La colère de Benoit Hamon contre le diktat allemand sur l'Europe

Par latribune.fr  |   |  579  mots
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Selon le porte-parole du parti socialiste, "Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont en effet annoncé vendredi leur volonté d'instaurer un pacte de compétitivité européen afin que chaque pays s'efforce de « s'aligner sur les meilleures solutions, les meilleurs projets ». En réalité, c'est une véritable constitution anti-sociale qu'ils nous préparent."

Dans une tribune intitulée "le grand bond en arrière", le porte-parole du parti socialiste Benoit Hamon, représentant d'une ligne très à gauche au sein du PS, s'insurge contre le projet, négocié actuellement entre Berlin et Paris et avec les autres pays européens, de mettre en place une gouvernance européenne avec des règles de rigueur - départ en retraite repoussé à 67 ans, décorellation entre inflation et salaires, réduction des déficits... - contre la solidarité financière comme elle s'est produite pour la Grèce et l'Irlande.

Benoit Hamon écrit ainsi : "Depuis Dakar, où je participe au Forum Social Mondial, je suis stupéfait du décalage. Ici, on parle biens publics mondiaux, taxe sur les mouvements financiers, lutte contre la pauvreté. Pendant ce temps-là, en Europe, on propose un pavé contre les salaires et l'emploi. Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont en effet annoncé vendredi leur volonté d'instaurer un pacte de compétitivité européen afin que chaque pays s'efforce de « s'aligner sur les meilleures solutions, les meilleurs projets ». En réalité, c'est une véritable constitution anti-sociale qu'ils nous préparent. On attendait des mesures pour lutter contre les délocalisations et le chômage, on obtient des décisions pour bloquer les salaires et reculer autoritairement l'âge de départ à la retraite.

Toutes les décisions importantes en matière de salaires, d'emploi, de retraites ou de fiscalité seraient déterminées par les gouvernements de la zone euro, à partir d'une vision de la compétitivité économique exclusivement fondée sur la baisse du coût du travail et non plus en fonction de progrès sociaux ou des aspirations des peuples concernés. Accepter ce pacte de compétitivité reviendrait donc à priver les peuples de leur libre-arbitre en matière sociale.

Si ce pacte était adopté, il fermerait définitivement la porte à toute politique économique de relance. Il priverait les pays membres de l'Union Européenne de la possibilité d'augmenter les salaires. Il imposerait aux citoyens un financement de la protection sociale reposant sur les capacités individuelles et non plus la solidarité entre les générations. Il donnerait comme objectif unique la rigueur budgétaire au détriment de l'éducation, des services publics et de la lutte contre les inégalités. Ces politiques ont déjà été menées dans de nombreux pays, on connaît leurs conséquences : modération salariale, précarité, inégalités femmes - hommes, chômage.

Ce pacte de compétitivité revient à abdiquer notre souveraineté en matière économique et sociale. Tout juste, Berlin et Paris concèdent que les parlements nationaux pourraient fixer eux mêmes les modalités de mise en oeuvre d'objectifs qui eux, s'imposeraient à chaque Etat de la zone Euro. En clair, on laisse le choix aux citoyens européens de décider des droits qu'ils veulent perdre et l'ordre dans lequel ils vont les perdre. La facture de la crise est intégralement imputée aux peuples européens tandis que les banques retrouvent leurs niveaux de profit d'avant la crise, que les rendements du capital absorbent toujours tous les gains de productivité et créent des milliers de chômeurs en Europe. C'est le grand bond en arrière.

Nous ne laisserons pas ce pacte enterrer définitivement le projet d'une construction européenne tournée vers l'intérêt général et les aspirations des peuples européens."