Les députés européens veulent une taxe sur les transactions financières... décoiffante

Par latribune.fr  |   |  799  mots
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Le parlement européen a approuvé, ce mardi, une résolution demandant l'introduction d'une taxe sur toutes les transactions financières réalisées dans l'Union, qui pourrait rapporter 200 milliards d'euros par an.

Le parlement européen vient d'apporter sa pierre au débat sur le bien-fondé de l'instauration d'une taxe sur les transactions financières. Devant les ministres des Finances des vingt premières économies mondiales (le G20), Nicolas Sarkozy s'était, le mois dernier, dit  "convaincu qu'une taxe infinitésimale sur les transactions financières serait à la fois juste, utile et efficace".

Or, ce mardi, une large majorité d'eurodéputés a approuvé une résolution en ce sens , dans le sillage du rapport rédigé par leur collègue grecque Anni Podimata (www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do,), membre du Parti socialiste européen.

Cette résolution de la commission des affaires économiques sur les "financements innovants" adoptée par 529 voix pour, 127 voix contre et 19 abstentions, préconise l'application d'un taux faible de taxation des transactions financières (TTF) devant lever quelque 200 milliards d'euros annuels dans l'Union européenne (UE). Surtout cette taxe, similaire à celle élaborée par l'économiste James Tobin, découragerait les opérations spéculatives en les rendant plus coûteuses, selon le Parlement européen.

En phase avec le souhait de la présidence française du G20, la résolution précise que si "la mise en place de cette taxe à l'échelle mondiale s'avère trop compliquée, l'UE devrait l'appliquer au niveau européen". Ce même texte exige "plus de mesures pour diminuer l'évasion et la fraude fiscales, qui sont sensées coûter aujourd'hui près de 250 milliards d'euros annuels aux États membres". La création d'une loterie mondiale pour financer les actions de lutte contre la faim est demandée aux Etats membres par les eurodéputés...

Le Parlement européen veut frapper plus fort que Sarkozy

Dans le rapport sur lequel se fonde la résolution adoptée, "les recettes potentielles d'une TTF de 0,05 %" sont estimées "à près de 200 milliards d'euros dans l'Union et de 650 milliards d'euros au niveau mondial", produisant "des ressources nouvelles et durables." Cette formulation n'est pas neutre:  les parlementaires européens vont en effet plus loin que les Etats-membres. Nicolas Sarkozy  souligne lui  "que la finance (...) ayant tellement contribué à [la] crise" devrait contribuer "un petit peu au développement des pays les plus pauvres qui ont le plus souffert de la crise".

Les eurodéputés voient aussi dans cette taxe sur les transactions financières le moyen de dôter les instances supranationales européennes de "ressources propres". Ils considèrent qu' "une partie de ces recettes pourrait être allouée pour financer des projets et des politiques de l'Union". C'est une façon de ressusciter la proposition du Commissaire européen au budget, Janusz Lewandowski, qui, l'été dernier, s'était exprimé en faveur d'un impôt propre pour l'UE...au grand dam des Etats-membres, en particulier Berlin, Paris et Londres.

L'ONG Oxfam applaudit

Un représentant de l'ONG Oxfam, Sébastien Fourmy, se félicite en tout cas, dans un communiqué du vote de la résolution. "Contre toute attente, le Parlement européen réuni en session plénière a adopté une résolution en faveur d'une taxe sur les transactions financières, ou taxe Robin des bois. C'est une très bonne nouvelle" indique-t-il. "Sans attendre une hypothétique taxe au niveau mondial, une taxe au sein de l'Union européenne pourrait déjà à elle seule récolter des dizaines de milliards d'euros en faveur de la lutte contre le changement climatique et du développement. La présidence française du G20 offre à l'Europe un opportunité unique pour mettre en en place une telle taxe" ajoute l'ONG.

Les eurodéputés soulignent que le secteur financier est pour le moment peu taxé

Pour justifier son introduction, les parlementaires rappellent que le secteur financier est très peu taxé. Ils soulignent notamment qu'aucune TVA n'est prélevée sur la plupart des services financiers. Ils souhaitent également que cette éventuelle taxe européenne repose sur la plus large base possible. "L'introduction d'une taxe sur les transactions financières pourrait aider s'attaquer aux pratiques les plus dommageables, comme les transactions à court terme ou automatisées, et aussi réduire la spéculation", estiment-ils dans le texte.

La Commission européenne risque de freiner des quatre fers

La Commission est cependant loin d'être sur la même ligne que les eurodéputés. Pour preuve, la réaction immédiate du commissaire européen en charge de la fiscalité. Le lituanien Aldirgas Semeta a d'ores et déjà jugé prématuré de plancher sur une taxe qui serait limitée à l'UE : "prenant en compte l'impact potentiel sur la compétitivité européenne, il serait irresponsable d'instaurer une telle taxe. Nous avons besoin d'une taxe sur les transactions financières à un niveau global" a-t-il estimé.