Le Japon plongé dans une véritable catastrophe nucléaire après le séisme et le tsunami

Par Source Reuters  |   |  946  mots
Vue satellite de la centrale nucléaire Fukushima au Japon - Copyright SpotMonitoring
Les ingénieurs japonais engagés dans une course contre la montre pour empêcher une catastrophe nucléaire à la centrale de Fukushima font de lents progrès mais les premiers signes d'irradiation inquiètent. Le dernier bilan du séisme et du tsunami fait état de 8.805 morts et 12.564 disparus mais la police dit redouter plus de 15.000 morts dans la région la plus touchée par la catastrophe.

De la fumée s'élevait encore ce mardi au-dessus des réacteurs n°2 et 3 de la centrale de Fukushima-Daiichi mais le phénomène ne porte pas à conséquence, a déclaré l'opérateur Tokyo Electric Power (Tepco). L'agence japonaise de sûreté nucléaire a déclaré que le panache blanc au-dessus du réacteur 2 était probablement de la vapeur provenant de la piscine de combustible usé.

Tepco est parvenu lundi à connecter tous les réacteurs au réseau électrique et à relancer la pompe de refroidissement du réacteur n°5. Mais pour les réacteurs 3 et 4, les plus gravement endommagés, les autorités continuent à limiter les dégâts en arrosant de milliers de tonnes d'eau de mer les réacteurs et leurs piscines de combustible usagé, en attendant de tester les systèmes de refroidissement. De la fumée, dont on ignore l'origine, s'est échappée lundi des réacteurs 2 et 3, ce qui a entraîné l'évacuation d'une partie du personnel.

Il n'est pas certain que les pompes de refroidissement puissent fonctionner mais dans tous les cas le raccordement au réseau électrique va faciliter l'arrivée d'eau, disent les experts, qui voient là un progrès significatif. "Une fois que les réacteurs pourront être à nouveau inondés, on pourra pousser un ouf de soulagement car la phase un sera terminée", observe ainsi Laurence Williams, professeur de sûreté nucléaire à l'institut John Tyndall, en Grande-Bretagne. La pression continue d'augmenter dans le réacteur n°3, qui contient du plutonium et où les ingénieurs envisagent toujours de libérer de la vapeur et donc des particules radioactives.

Le Premier ministre croit dans la sortie de crise

En dépit des incertitudes qui persistent, le  Premier ministre japonais a malgré tout affiché son optimisme. "Nous voyons la lumière qui nous guide vers la sortie de crise", a dit Naoto Kan dans des propos rapportés par un responsable gouvernemental. De son côté, le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Yukiya Amano, s'est dit certain que cette crise serait surmontée, sans dissimuler qu'elle était "très grave".

De fait, la gravité de cet accident se mesure aux effets déjà perceptibles sur l'environnement des radiations émises depuis le début de la catastrophe. À mesure que s'éloigne la menace d'une fusion des coeurs des réacteurs, la crainte de la contamination radioactive augmente. Les vents continuent à souffler vers Tokyo, située à 240 km au sud de la centrale et la pluie, qui s'est mise à tomber lundi sur le site, peut conduire à concentrer localement les dépôts de radioactivité au sol selon l'Autorité française de sûreté nucléaire. Des épinards et du lait contaminés ont été détectés samedi et le ministère de la Santé a enjoint des habitants des zones proches de la centrale de ne pas boire l'eau du robinet en raison d'un niveau élevé d'iode radioactive.

"C'est bien plus grave que ce qu'on pensait les premiers jours lorsqu'on croyait que ce genre de problème pouvait être cantonné dans un rayon de 20 à 30 kilomètres", a insisté ce lundi Peter Cordingley, porte-parole de l'OMS pour la région Pacifique ouest. Or la production des agriculteurs nippons ne sert pas uniquement à nourrir les Japonais. L'archipel exporte notamment des produits laitiers, du poisson et des fruits de mer. Soucieuses de limiter les risques de contamination de leur population, la Chine et la Corée du Sud vont renforcer leur contrôle sur les produits alimentaires japonais. Pour Peter Cordingley, "on peut raisonnablement supposer que des produits contaminés sont sortis de la zone de contamination."

Que devient l'eau de mer radioactive ?

Des experts s'inquiètent également des conséquences pour l'environnement des mesures prises à la centrale. "Où s'écoule l'eau de mer" utilisée pour refroidir les réacteurs, demande Najmedin Meshkati, chercheur à l'université de Californie du Sud. "Ces sont maintenant des eaux usées radioactives (...) J'aimerais savoir ce que l'on fait de cette eau, est-ce qu'on la récupère ou est-ce qu'on la laisse simplement couler jusqu'à la mer. C'est la partie immergée de la catastrophe", poursuit ce chercheur.

Les autorités japonaises ont reconnu qu'un peu de cette eau pourrait se retrouver dans l'océan mais doutent que cela ait un quelconque effet sur la santé humaine. Parallèlement à cette crise se poursuivent les efforts pour retrouver des survivants du séisme de magnitude 9.0 et de la vague de dix mètres de haut qui ont balayé le nord-est du pays.

Le dernier bilan fait état de 8.805 morts et 12.564 disparus mais la police dit redouter plus de 15.000 morts dans la seule préfecture de Miyagi, la plus touchée par la catastrophe. On comptait encore lundi soir quelque 320.000 sans-abri, essentiellement dans le nord du pays où la neige et des températures glaciales entravent le travail des secours.

Sur le plan économique, la Banque mondiale se dit optimiste

Le séisme et le tsunami pèseront ces prochains mois sur la croissance économique nippone mais la reconstruction, qui pourrait durer cinq ans, redonnera ensuite un coup de fouet à l'économie, a estimé la Banque mondiale dans un rapport publié lundi.

De son côté, l'agence RMS estime que la catastrophe naturelle a coûté entre 200 et 300 milliards de dollars en pertes économiques. Le séisme de Kobé, qui a fait plus de 6.400 morts en 1995, avait coûté quelque 100 milliards de dollars.

 

 

Ci-dessous, cette vidéo explique (en anglais) le problème que rencontrent les réacteurs endommagés de Fukushima. Les images prises à l'intérieur de la centrale sont antérieures aux événements.