La Bundesbank aurait aidé Téhéran à contourner les sanctions économiques

Par Romaric Godin, à Francfort  |   |  552  mots
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La banque centrale allemande serait, selon le Handelsblatt, un maillon d'une transaction liée à l'achat de pétrole entre l'Inde et l'Iran, en dépit de l'embargo imposé à la République islamique. Ce type d'opération pourraient cependant rapidement cesser.

L'affaire met mal à l'aise outre-Rhin. Le 28 mars dernier, le quotidien Handelsblatt a en effet mis à jour dans ses colonnes la participation de la banque centrale fédérale, la Bundesbank, à une opération financière liant l'Inde à l'Iran, au mépris des sanctions économiques imposées par l'Union européenne à la République islamique.

Concrètement, l'Inde, sous la pression internationale, souhaite rester discrète sur ses achats de pétrole à Téhéran. Pour cela, la banque centrale indienne verserait le montant des transactions pétrolières indo-iraniennes non pas à la République islamique, mais... à la Bundesbank ! Laquelle reverserait ensuite le montant prévu à la Banque de commerce irano-européenne (Europäisch-Iranische Handelsbank ou EIHB). Cet établissement basé à Hambourg dispose d'une licence bancaire outre-Rhin, en dépit des pressions de Washington sur Berlin pour le placer sur une liste noire. Ses actionnaires sont des banques iraniennes publiques : la Banque de l'Industrie et des Mines possède 52% du capital, le reste étant partagé entre les banques Mellat et Tejarat. Du coup, on comprend que l'argent versé par la Bundesbank pourrait sans difficulté se retrouver dans les caisses du gouvernement iranien.

Malgré le silence gêné de la Bundesbank et une certaine discrétion du reste de la presse allemande, l'affaire a rapidement pris une dimension internationale. Il est vrai que les sommes en jeu ne sont pas négligeables : le montant total des transactions concernées s'élèverait 9 milliards d'euros. Alors que le secrétariat au Trésor américain faisait part de son "inquiétude", l'ambassadeur d'Israël en Allemagne, Yinam Cohen, a réclamé la fermeture de l'EIHB. A Berlin, c'est le président du conseil central de la communauté juive, Dieter Greutmann, qui s'est indigné.

Finalement, Angela Merkel a voulu rapidement refermer la boîte de Pandore. Selon le Handelsblatt de ce mardi, elle aurait décidé en effet de mettre fin à ce type de transaction. L'opération en cours sera cependant achevée et EIHB restera implantée en Allemagne. Toutefois, la Bundesbank ne pourra plus à l'avenir participer à ce type de transactions impliquant l'Iran.

Le Handelsblatt note que cette décision inquiète les dirigeants économiques allemands. Si la Bundesbank n'est plus autorisée à traiter avec l'Iran, alors les entreprises allemandes auront beaucoup de mal à se faire payer par leurs clients iraniens. L'Allemagne est le troisième partenaire commercial de l'Iran derrière les Emirats arabes unis et la Chine avec un volume de 3,7 milliards d'euros, soit 0,4% du total des exportations allemandes. C'est peu, mais "les entreprises allemandes pourraient devoir renoncer à des sommes de plusieurs centaines de millions d'euros", se lamentait un responsable économique anonyme auprès du Handelsblatt. L'attitude ambiguë de Berlin vis-à-vis de Téhéran ne pouvait cependant plus durer.

En outre, cette nouvelle affaire vient ternir un peu plus l'image de la Bundesbank, déjà affectée par plusieurs scandales. A l'automne, le livre xénophobe d'un des membres de sa direction, Thilo Sarrazin, avait déjà mis l'établissement au centre des discussions politiques. En fin de semaine dernière, on apprenait que des faussaires chinois étaient parvenus à faire accepter par la banque centrale allemande plus de 29 tonnes de fausse monnaie pour un montant global de 6 millions d'euros. L'image de sérieux de l'institut est donc une nouvelle fois écornée.