Ce qu'il faudrait faire pour sauver l'euro

Par Agnès Bénassy-Quéré et Laurence Boone, membres du Cercle des économistes  |   |  764  mots
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Le secteur bancaire peut mettre en péril les finances publiques d'un pays, comme on l'a vu en Irlande. Aussi faudrait-il mieux le réguler, en créant une autorité européenne de supervision financière.

Lors de la conception de l'euro, les partenaires européens ont pensé que le Pacte de stabilité et de croissance, qui encadre les politiques budgétaires, écarterait définitivement le risque d'un défaut souverain. Tel n'a pas été le cas, pour trois raisons. D'abord, certains pays n'ont pas toujours respecté le Pacte ; ensuite, d'autres pays n'ont pas présenté des comptes sincères à leurs partenaires ; d'autres pays, enfin, ont respecté le Pacte mais laissé se développer des déséquilibres massifs dans le secteur privé.

Entre éclatement et intégration renforcée, l'Europe a choisi la seconde voie. Il faut souligner que ce nouveau dispositif européen comporte à la clé un certain abandon de souveraineté puisque les politiques économiques seront coordonnées au niveau communautaire en amont de leur vote au niveau national. On peut, bien sûr, regretter le caractère punitif plus qu'incitatif des nouvelles dispositions. On peut aussi s'inquiéter de la multiplication des règles qui risque de déposséder les États membres de leurs politiques économiques, renforçant par là le sentiment antieuropéen. Cependant, le problème principal à court terme est ailleurs : malgré ces avancées spectaculaires, la zone euro est aujourd'hui tout autant en péril que durant cette fameuse semaine de mai 2009 où l'aventure de l'euro a bien failli se terminer. Et elle ne sera pas au bout de ses peines puisque les ajustements de l'ampleur de ceux à effectuer sans restructuration sont des exercices périlleux, car ils pèsent sur la croissance. C'est pourquoi aujourd'hui l'équation de la solvabilité n'est toujours pas résolue, ce qui explique, aussi, la fébrilité des marchés.

Trois formes d'actions sont envisageables pour un État souverain de la zone euro : demander aux institutions financières de conserver les dettes des pays en difficulté jusqu'à maturité, introduire des « clauses d'actions collectives » (CAC) dans les contrats de dette prévoyant par exemple des décotes en cas de défaut, ou proposer une restructuration plus classique. À l'occasion de la réunion du G20 de Séoul en novembre 2010, les chefs d'État européens ont tenté de calmer les marchés en assurant que ces différentes options ne s'appliqueraient en tout état de cause qu'aux dettes émises après 2013, date d'expiration du Fonds de stabilisation.

Cependant, ce délai repousse d'autant la remise à flot des finances publiques dans les pays en difficulté. En effet, une restructuration vise à étaler les remboursements dans le temps et à les rendre moins importants au regard des capacités de croissance d'un pays. Les prêteurs y perdent dans la mesure où ils ne recouvreront pas l'entièreté de ce qu'ils ont prêté, mais y gagnent en sécurité d'être remboursés au moins pour la partie qui a été négociée. Pour le pays débiteur, cet assainissement par restructuration permet de retrouver des capacités d'emprunter raisonnables. Une restructuration classique présente les avantages et les inconvénients du traitement de choc : la dette publique est immédiatement replacée sur un sentier « soutenable », au prix d'une perte immédiate pour les créanciers. Il faut alors un délai pour que l'État restructuré puisse se présenter à nouveau pour lever des fonds sur les marchés. Durant cette période, les financements du FMI ou, dans le cas européen, du successeur du Fonds de stabilisation, sont indispensables. Cette période à l'abri du marché doit alors être mise à profit pour redresser les comptes publics afin de redonner confiance aux marchés.

Les pays de la zone euro n'ont, pour le moment, pas donné de détails sur la façon dont ils envisageaient de gérer une éventuelle restructuration, ni à qui s'appliqueraient d'éventuelles CAC (clauses d'actions collectives). Cependant, un accord a été trouvé sur le fait qu'une forme de solidarité budgétaire permanente ne peut prendre forme que combinée à un mécanisme qui associerait le secteur privé aux coûts de cette solidarité. Cela est logique dès lors que le secteur bancaire met en péril les finances publiques d'un pays et la stabilité financière de la zone. Mais cela montre également une autre limite de la construction de la zone euro : l'absence de pouvoir d'investigation au niveau européen sur les comptes bancaires, la transparence des comptes s'arrêtant aux superviseurs nationaux.

La pérennité de la zone euro ne nécessite-t-elle pas encore plus d'intégration : une intégration budgétaire avancée d'une part et, d'autre part, une véritable autorité européenne de supervision financière ?