Les Allemands condamnés à prendre leur retraite à 69 ans ?

Par Romaric Godin, à Francfort  |   |  548  mots
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Les "cinq sages" conseillers du gouvernement ont remis un rapport inquiétant sur l'évolution démographique du pays. Selon eux, il n'y pas d'alternative à un nouveau relèvement de l'âge de départ à la retraite.

Angela Merkel vient de proposer d'harmoniser l'âge de départ à la retraite en Europe en pointant du doigt la Grèce, l'Espagne et le Portugal. Mais il lui faudra peut-être aussi imposer dans son propre pays un nouveau tour de vis sur le sujet. C'est du moins une des conclusions du rapport des cinq "sages" économistes chargés de conseiller le gouvernement sur la démographie. Selon ce document (A lire ici en allemand), le relèvement de l'âge de la retraite à 67 ans d'ici à 2029 devra être suivi d'un relèvement à 68 ans avant 2045 et à 69 ans avant 2060.

C'est pour les experts, la seule façon de résoudre la terrible équation démographique à laquelle va être confrontée l'Allemagne dans le prochain demi-siècle. Compte tenu de son faible taux de fécondité et de l'arrivée de "classes creuses" à l'âge adulte, l'Allemagne va en effet connaître une "saignée" dans sa population d'ici à 2060. Avec un solde migratoire nul (perspective pessimiste), la population pourrait baisser de 24 millions de personnes, soit 30 % des actuels 81,9 millions d'habitants du pays.

En 2060, un Allemand sur trois aura plus de 60 ans

Dans une perspective optimiste d'un solde migratoire positif moyen de 200.000 personnes par an, la population reculerait cependant, selon les sages de 12 millions de personnes, soit une baisse de 15 %. Cette population réduite serait, de surcroît, nettement plus âgée : en 2060, un Allemand sur trois devrait avoir plus de 60 ans et un sur sept plus de 80 ans. Cette mutation radicale implique des défis immenses pour la République fédérale. "La baisse des personnes en âge de travailler va ralentir la croissance économique dans l'avenir », soulignent ainsi les sages qui parlent d'un "développement inquiétant".

Il convient donc pour les sages de prendre des mesures favorisant l'entrée des femmes sur le marché du travail et l'amélioration de la productivité par une meilleure formation. Les économistes proposent également de favoriser l'immigration de personnels qualifiés. Sans cela, le niveau de vie par habitant ne devrait progresser en moyenne par an "que" de 0,7 à 1,3 %.

Si rien n'est fait, la dette passera à 270% du PIB

Mais, affirme le rapport, "le plus grand défi de ce changement démographique concerne l'assurance sociale, particulièrement les branches retraite et maladie". Si rien n'est fait, il manquera chaque année 3,1 % au budget de l'Etat pour financer ces branches. Une perspective qui, en 2060 aurait pour conséquence de porter la dette du pays à 270 % de son PIB contre 80 % aujourd'hui.

Les sages jugent que l'impôt seul ne pourra remplir ce "trou". Pour le réduire d'un point, il faudrait ainsi augmenter le taux de base de l'impôt sur le revenu de 14 à 15,6 % et le taux le plus élevé de plus de 5 points à 50,2 %, ou bien faire passer la TVA de 19 à 21,6 % pour le taux normal et de 7 à 8 % pour le taux fixe. Quant à l'option des cotisations, une hausse de l'ensemble des cotisations à 48,5 % du salaire brut contre 39,7 % aujourd'hui. Il est donc inévitable, pour les sages, d'en passer par un relèvement de l'âge de départ à la retraite. Reste à savoir si les politiques lanceront dès maintenant un tel chantier alors que les Sociaux-démocrates, à l'origine du relèvement de l'âge de la retraite à 67 ans en 2007, avaient proposé l'an passé "une pause" dans ce processus.