Le dollar fait peur, l'euro en profite

Par Isabelle Croizard  |   |  446  mots
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Le refroidissement de l'activité aux États-Unis a fait rechuter le dollar, propulsant l'euro au plus haut depuis début mai.

Ce n'est pas tant l'euro qui fait de la résistance que le dollar qui commence à brûler les doigts des investisseurs. En d'autres temps, tels l'an dernier à pareille époque, l'euro aurait encaissé de plein fouet les déboires des pays en détresse de la zone euro et les rebondissements incessants de la crise de la dette de la Grèce qui valent à sa notation souveraine des dégradations en cascade. La monnaie unique des Dix-Sept parvient pourtant à tenir la dragée haute au billet vert et se retrouve à son meilleur niveau depuis un mois - à 1,4630 dollar, vendredi - non loin donc de son point haut de l'année atteint début mai à 1,4830 dollar.

On peut s'étonner de cette résilience dans un environnement aussi défavorable. Elle tient en fait aux ombres qui s'accumulent sur le dollar, qui n'avait dû son redressement de mai qu'à l'épisode de l'ajournement de la deuxième hausse des taux de la Banque centrale européenne, que les marchés attendaient en juin, et qui ne devrait pas avoir lieu avant juillet. Car le dollar ne s'affaiblit pas seulement face à l'euro, mais aussi par rapport à toutes les grandes monnaies. C'est ainsi que la valeur refuge par excellence qu'est le franc suisse s'est retrouvée propulsé à un nouveau record absolu de vigueur face au dollar, se hissant jusqu'à 0,8383, mais aussi à l'euro, à 1,2055. Ce qui fait dire aux stratèges de Royal Bank of Canada que, sans la crise grecque, le couple euro-dollar se négocierait à... 1,66, largement au-delà du point haut de tout temps atteint par la monnaie unique le 15 juillet 2008, à 1,6038.

mauvais indices américains

Les contre-performances du dollar ne font que refléter la réalité économique : les statistiques américaines qui s'égrènent au fil des jours sont de plus en plus détestables. Dernières en date, l'indice ISM des directeurs d'achats du secteur manufacturier a connu en mai sa plus forte baisse mensuelle depuis début 1984, tombant de 60,4 à 53,5, et les commandes à l'industrie d'avril ont accusé un recul de 1,2 %.

Si le rapport sur l'emploi aux États-Unis en mai, rendu public ce vendredi, déçoit, le dollar sera condamné à une rechute plus brutale encore, puisqu'il conditionne l'avenir de la politique monétaire de la Réserve fédérale. Ben Bernanke et ses pairs ne manqueraient pas alors de réitérer leur engagement en faveur de taux bas "pour une période prolongée". La rémunération du dollar à court terme, voisine de zéro, et celle à long terme, avec des rendements à 10 ans retombés en dessous de 3 % pour la première fois depuis décembre, agissent comme de puissants dissuasifs sur les investisseurs potentiels.