"L'affaire DSK peut se conclure par un simple procès civil"

Par Propos recueillis par Fabien Piliu  |   |  900  mots
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Robert Zara, avocat au barreau de New York, décrypte pour La Tribune les aspects juridiques de l'affaire DSK. Après avoir décrit le système pénal américain, l'accord à l'amiable, très fréquent aux Etats-Unis, il évoque la possibilité offerte à la victime de retirer sa plainte.

Si la victime présumée devait retirer sa plainte, il n'y aurait plus de procès DSK?

Pas vraiment. Elle a déposé plainte à la police pour agression sexuelle. Elle a aussi témoigné sous serment devant le Grand Jury. Une procédure pénale a donc été déclenchée. Seul le bureau du procureur et non a la victime peut décider de stopper la procédure en cours.

La machine judiciaire étant lancée, elle ne peut donc pas s'arrêter ?

Tout à fait. Même si la victime ne veut plus témoigner.

Elle peut être forcée de témoigner?

Absolument. Le procureur de Manhattan Cyrus Vance Jr. joue sa réputation dans cette histoire. Il a absolument le droit d'obliger la victime à comparaître devant le Petit Jury pour qu'elle raconte son histoire.

Et si elle décide de ne pas se présenter devant le Petit Jury?

Elle pourrait être arrêtée et emmenée de force devant le Tribunal!

Et si elle raconte une toute autre histoire au Petit Jury?

Dans ce cas précis, DSK serait exonéré des soupçons qui pèsent contre lui. En revanche, la victime serait alors passible d'être accusée du crime de parjure.

A défaut d'un accord à l'amiable entre le Bureau du Procureur et DSK, DSK peut-il espérer s'en tirer sans passer par le Petit Jury?

Absolument. Ben Brafman, l'avocat de DSK demanderait à Jeff Shapiro l'avocat civil de la victime que leur conversation soit "off the record" c'est à dire que ni son existence, ni son contenu ne puissent être jamais répétés. C'est comme si une telle conversation n'a jamais eu lieu! 

Et que dirait Maître Brafman a son confrère?

Tout simplement que son client DSK voudrait résoudre le procès civil. Rien d'autre.

Le procès civil?

Absolument. Les faits ont donné lieu non seulement à un procès pénal mais pourront aussi donner lieu à un procès civil. Souvenez-vous par exemple du cas d'O.J. Simpson. Il avait perdu le procès civil alors qu'il avait gagné le procès pénal. En 1997, le Tribunal Civil a obligé O.J. Simpson à verser aux familles de Nicole Brown et de Ron Goldman des dizaines de millions de dollars pour dommages civils.

Mais ce qui intéresse DSK, pour qu'il soit disculpé, c'est d'éviter la comparution de la victime devant le Petit Jury. Pourquoi ne pas directement aborder ce que coûterait la non-comparution de la victime devant le Petit Jury ?

L'article 215 du Code Pénal de l'Etat de New York considère comme un crime le soudoiement ou même la tentative de soudoiement de témoins et de victimes.

Donc ca ne servirait a rien de s'arranger civilement avec la victime, si DSK ne peut empêcher qu'elle se présenter devant le Petit Jury?

Ce serait très utile. L'expérience montre que lorsque le cas civil est résolu, la victime préfère le plus souvent ne pas comparaître devant le Petit Jury. Souvenez vous par exemple de Michael Jackson qui avait en 1994 résolu le cas civil en versant 15 millions de dollars à un mineur de Californie qui l'accusait de l'avoir molester. Celui-ci n'avait pas voulu se présenter devant le Petit Jury.

Pourquoi la victime déciderait de ne pas vouloir comparaître devant le Petit Jury?

S'exposer devant le Petit Jury au contre-interrogatoire d'une défense féroce qui a eu le temps et tous les moyens de passer au crible toute la vie de la victime, son passé sexuel, ses petits secrets dans le but de nuire a sa crédibilité et d'affaiblir son témoignage n'est pas une expérience qui fait rêver!

Comment procèderait-elle?

Il faut savoir que la victime n'a aucune obligation d'informer le Procureur sur le déroulement des négociations en cours pour résoudre le procès civil. Tout simplement le jour venu, son avocat informerait le Procureur que son client - la victime - préfèrerait ne pas revivre les événements du samedi 16 Mai, qu'être exilée de sa vie et de son travail lui deviennent insupportable, qu'elle voudrait retrouver une vie normale, sans pour autant nier les crimes que DSK aurait commis a son égard, ou renier son témoignage auprès du Grand Jury.

Que ferait le Bureau du Procureur?

Il aurait un choix à faire. Compte tenu de l'impact médiatique des événements, il pourrait la contraindre à témoigner devant le Petit Jury. Toutefois, le plus souvent, le Bureau du Procureur lâche prise quand le témoin principal se dérobe. Pour éviter cette situation, le Bureau Procureur peut proposer un "deal"au coupable présumé en lui demandant d' accepter de plaider coupable pour un crime bien moins sérieux, espérant ainsi sauver la face en quelque sorte.

Pourquoi?

Parce que ce type de cas repose en grande partie sur le témoignage de la victime. Si celle-ci sort du jeu, pourquoi perdre du temps et donc l'argent des contribuables d'une part ? Pourquoi risquer l'acquittement de DSK? L'exonération de DSK par le Petit Jury, serait dramatique pour le Bureau du Procureur tant ils s'y sont investis!

De telles discussions entre l'avocat civil de la victime et celui de DSK ont-ils actuellement lieu?

Rien ne l'empêche.