La santé insolente de l'économie argentine propulse Cristina Kirchner vers la réélection

Par Jean-Louis Buchet, à Buenos Aires  |   |  633  mots
La présidente argentine Cristina Fernandez de Kirchner
Avec son écrasante victoire aux élections primaires, la chef de l'État argentine paraît idéalement placée pour la présidentielle d'octobre. Par-delà les motivations politiques, les électeurs ont voté pour la stabilité et la croissance économiques, en moyenne de 8,5 % à 9,5 % par an sous l'ère Kirchner.

La victoire de la présidente Cristina Fernández de Kirchner aux élections primaires du 14 août était attendue. Mais c'est un véritable triomphe qu'elle a obtenu : plus de 50 % des électeurs argentins ont voté pour elle. Les deux principaux candidats de l'opposition, le radical Ricardo Alfonsín et le péroniste dissident Eduardo Duhalde, sont relégués à plus de 37 points. La chef de l'État paraît idéalement placée pour l'emporter dès le premier tour à la présidentielle du 23 octobre. Ajoutons que ces primaires avaient été organisées, en principe, pour départager les postulants à la présidence de chaque parti. Mais, comme toutes les formations avaient choisi au préalable leur champion et que les électeurs ont voté massivement (le taux de participation a dépassé 76 %), le scrutin a été une sorte de répétition générale de la présidentielle.

 

Comment expliquer un tel raz-de-marée, alors que, ces dernières semaines, les candidats du pouvoir avaient été battus aux élections provinciales ou municipales dans trois des quatre plus importantes circonscriptions du pays (Santa Fe, Buenos Aires et Córdoba, face, respectivement, aux socialistes, au centre droit et au péronisme d'opposition) ?

Le mérite en revient en premier lieu à la présidente, dont l'image positive, en particulier depuis le décès de son prédécesseur et époux Néstor Kirchner, en octobre 2010, dépasse largement l'électorat traditionnel du péronisme. Son leadership personnel a fait voler en éclats les clivages qui traversent la vie politique argentine depuis des années.

 

L'opposition porte aussi sa part de responsabilité. Atomisée, elle paie aujourd'hui le prix de ses divisions. En 2009, elle avait constituée deux alliances, l'une derrière les radicaux, l'autre autour du péronisme dissident, qui avaient mis le kirchnérisme en difficulté aux élections législatives. Par la suite, chacun a voulu tenter sa chance pour la présidentielle, sans qu'aucun ne puisse offrir une alternative crédible aux 29 millions d'électeurs argentins. Résultat, ce 14 août, ce fut Blanche Neige et les sept nains (pour la circonstance, ils étaient neuf).

 

Mais la raison peut-être principale du succès de la chef de l'État est économique. Depuis 2003, c'est-à-dire sous les présidences de Néstor Kirchner puis de sa veuve Cristina Fernández, élue en 2007, le pays a connu une croissance de 8,5 % à 9,5 % par an, à la seule exception de 2009, pour cause de crise internationale. Relativement peu endettée (54 % du PIB), avec une balance commerciale excédentaire et des comptes publics équilibrés, l'Argentine vit une sorte d'euphorie grâce aux recettes d'exportation qui alimentent le budget de l'État et permettent une consommation effrénée. Les créations d'emplois (5,5 millions depuis 2003) et des politiques sociales actives (augmentation des salaires et des retraites, généralisation des allocations familiales, etc.) ont permis d'élargir les classes moyennes (60 % de la population), tandis que l'industrie (automobile, sidérurgie et chimie notamment) et l'agro-industrie (soja et dérivés en particulier) battent des records de production.

 

Bien sûr, il y a l'interventionnisme gouvernemental et les changements de règles du jeu dont se plaignent à juste titre les chefs d'entreprise nationaux et étrangers.

Mais cela ne les empêche pas, en règle générale, de faire de bonnes affaires.

Il y a aussi une inquiétante inflation (10 % par an, selon les chiffres officiels, plus près de 25 % en réalité).

Mais, si les candidats de l'opposition affirmaient qu'il leur serait possible, dans l'hypothèse d'une alternance, de la diminuer progressivement sans casser la croissance, pourquoi ne pas faire confiance à Cristina Fernández de Kirchner pour y parvenir ? C'est sans doute ce que se disent les Argentins, apparemment prêts à s'abonner à quatre nouvelles années de kirchnérisme.