Une énorme bévue comptable réduit la dette publique allemande

Par Romaric Godin  |   |  581  mots
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Une erreur de saisie de... 55,5 milliards d'euros allège miraculeusement la dette de l'Allemagne. Mais la chasse aux responsables est ouverte.

L'État fédéral allemand est depuis ce week-end moins endetté de quelques 55,5 milliards d'euros. La dette brute du pays, selon les critères de l'Union européenne, a subitement baissé de 2,6 points à 81,1 % du PIB. Comment ce miracle s'est-il produit ? Par l'opération d'une erreur comptable assez étonnante. Après la nationalisation de la banque en quasi-faillite Hypo Real Estate (HRE) en 2009, Berlin a transféré les actifs toxiques et non stratégiques de cet établissement dans une structure de défaisance. L'Etat fédéral est responsable du passif de cette « bad bank », baptisée FMS Wertmanagement (FMSW), lequel est imputé à la dette publique. Or, les députés au Bundestag ont appris ce vendredi que le passif de FMSW avait été artificiellement grossi de 55,5 milliards d'euros. Les détails de cette erreur sont encore peu clairs, mais il semblerait qu'elle concernerait le calcul de la valeur de marché de certains dérivés et qu'elle remonte à une bévue de manipulation : un plus aurait été échangé avec un moins dans le bilan.

L'affaire a un caractère grotesque qui pourrait prêter à sourire puisqu'elle allège l'endettement allemand, même si, comme l'a rappelé le ministère fédéral des Finances, « le pays n'est pas plus riche » : il ne s'agit là que d'un jeu d'écriture. Mais outre-Rhin, ce dérapage ne fait pas rire. Bien au contraire. L'Allemagne si prompte à donner des leçons à l'Europe se retrouve prise en défaut. « Voici quelques jours, nous nous moquions de la Grèce et à présent, ce sont les Grecs qui se moquent de nous », a ainsi résumé l'éditorialiste de la Sächsische Zeitung de Dresde.

Dans l'oeil du cyclone

Du coup, la polémique enfle et l'on recherche des responsables. Ce mercredi, le ministre fédéral des Finances, Wolfgang Schäuble, rencontrera les acteurs de cette bévue. Le locataire de la Wilhelmstrasse tente de faire porter le chapeau à la société d'audit PricewaterhouseCoopers (PwC) qui a certifié les comptes de FMSW. Il peut cependant y avoir d'autres responsables : les dirigeants de HRE qui sont chargés du transfert de leurs actifs vers la « Bad Bank » ou ceux de la FMSA, l'entité chargée de la mise en oeuvre et de la surveillance de l'aide aux banques. Mais c'est désormais Wolfgang Schäuble qui se trouve dans l'oeil du cyclone médiatique déclenché par cette affaire. Un député du parti de gauche Die Linke l'accuse d'avoir été au courant depuis plus longtemps qu'il ne l'avoue. Le ministère prétend avoir entendu parler de cette erreur oralement pour la première fois le 4 octobre. Le 13, l'information a été confirmée. Elle devait être transmise le 21 au Bundestag, mais, compte tenu de la tenue du sommet de Bruxelles, on a préféré la dévoiler le 28. Or, le député de gauche Klaus Ernst a reçu le 13 septembre un document du ministère prévoyant une baisse de la dette de... 55,5 milliards d'euros ! Une coïncidence des plus gênantes qui suscite la méfiance vis-à-vis de Wolfgang Schäuble. Le SPD a ainsi estimé que le ministre avait «la responsabilité complète» de cette erreur. En pleine crise de la dette et au moment où le débat sur les baisses d'impôts ? auxquelles le ministre est peu favorable ? ressurgit, cette énorme bévue comptable peut être une nouvelle épine dans le pied de la chancelière Angela Merkel.