Citibank lance un pavé dans la mare de la politique russe

Par Emmanuel Grynszpan, à Moscou  |   |  427  mots
Copyright Reuters
La banque américaine a prévenu ses clients que le probable troisième mandat présidentiel de Vladimir Poutine sera de courte durée car son départ sera précipité par un schisme au sein de l'élite russe.

Alors que Vladimir Poutine et son entourage ne cessent d'accuser les Etats-Unis d'interférence dans la politique domestique russe, la grande banque américaine Citibank est venue ajouter lundi son grain de sel. Selon cette dernière, l'irruption inattendue de manifestations anti-Poutine est désormais un phénomène avec lequel il faudra compter. Pour Citi, cette vague protestataire ne va pas s'arrêter après les élections présidentielles du 4 mars, lors desquelles Vladimir Poutine sera probablement élu dès le premier tour, d'après l'ensemble des experts. La communauté d'affaires redoute de voir la stabilité politique caractéristique du pays depuis 2000, année où Vladimir Poutine est arrivé au pouvoir, prendre fin de manière aussi imprévue. L'auteur de la note aux investisseurs réalisée par Citi souligne en effet la présence « de nombreux facteurs susceptibles de prolonger la contestation ».

La passivité des Russes surestimée par les élites

Jusqu'aux élections parlementaires du 4 décembre, dont les résultats sont considérés comme totalement falsifiés par l'ensemble de l'opposition, le pays conservait une apparence de stabilité. L'opposition n'était jamais parvenue à mobiliser plus d'un millier de manifestants, tandis que les cortèges de décembre et de février ont vu à chaque reprise plus de 50.000 personnes défiler pour réclamer le départ de Vladimir Poutine, des élections libres, une réforme radicale du système de représentation et l'annulation des récentes élections législatives.

Consciente d'avoir profondément surestimé la passivité des Russes, la communauté d'affaires bouillonne désormais de points de vue contradictoires. Citibank perçoit une nervosité inédite chez Vladimir Poutine, qui a replacé ses plus proches alliés à la tête des institutions-clés (administration présidentielle, parlement, gouvernement), signe qu'il ne veut pas voir de changements à la tête du pays. La thématique nationaliste est revenue en force dans le camp Poutine, avec des déclarations anti-occidentales de plus en plus virulentes. Toutefois, Citi ne croit pas à une explosion de violence, mais plutôt à un « scénario à la polonaise », où le président donne sa démission pour laisser la place à un gouvernement de coalition.

 Beaucoup plus confiant, Ivan Tchakarov, stratège chez Renaissance Capital, estime en revanche que Poutine « man?uvre avec subtilité, sait accorder des concessions dans le but d'être élu dans la légitimité et donc d'assurer la stabilité du pays ». Il ajoute que « Poutine possède les meilleures chances d'assurer une transition stable vers la démocratie, car l'âme russe est profondément conservatrice ».