Poutine propose une taxe pour légitimer les privatisations douteuses du passé

Par Emmanuel Grynszpan, à Moscou  |   |  441  mots
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Quasi certain d'être élu pour un troisième mandat, Vladimir Poutine ne résiste pas à quelques promesses populistes, dont une taxe sur le luxe et sur les entreprises privatisés à la hussarde dans les années 1990.

Il est temps de "tirer le rideau" sur les privatisations truquées des années 1990, a décidé jeudi le Premier ministre candidat. Pour ce faire, Vladimir Poutine propose d'introduire une taxe unique qui restaurera la légitimité du monde des affaires aux yeux de la société. Indispensable pour les uns, trop complexe à mettre en oeuvre pour les autres, cette mesure divise profondément la communauté d'affaires.

Virage gauchisant

"Cette mesure est très populiste, c'est l'artillerie lourde de Poutine pour gagner dès le premier tour [du 4 mars prochain]. On s'y attendait, c'est le résultat d'un virage gauchisant car les idées libérales ont perdu en popularité auprès des Russes", commente une note de la banque Troika Dialog, qui rappelle avec ironie que l'oligarque Mikhaïl Khodorkovsky avait déjà proposé cette mesure en 2003, juste avant son incarcération. Alexandre Lebedev, un banquier milliardaire atypique car souvent critique envers le Kremlin, dit soutenir de tout c?ur cette mesure. Le problème, c'est que bon nombre des actifs privatisés de manière frauduleuse durant les années 1990, ont ensuite changé plusieurs fois de main. Le Premier ministre promet aussi une taxe sur le luxe.

Davantage de transparence

Parallèlement, le leader russe a demandé à la banque d'Etat VTB de faire un pas envers les petits actionnaires floués par l'introduction en Bourse du groupe en 2007. Plus de 100.000 Russes ont placé leurs économies dans des actions de VTB, qui n'ont fait que baisser depuis et ne valent aujourd'hui que la moitié de leur cours d'introduction. VTB a consenti mercredi à racheter à ses frais ses propres actions au cours de l'introduction. Proche de Vladimir Poutine, l'inamovible PDG de VTB, Andreï Kostine, dément avoir cédé à la pression du Kremlin et a appelé jeudi le monde des affaires à "soutenir le gouvernement". Il a même suggéré que le soutien à l'opposition comportait des risques pour la santé mentale des entrepreneurs! Le gendarme des marchés financiers russe, le FSFR, vient lui aussi de pondre vendredi une proposition opportune rejoignant les demandes du Kremlin. Il s'agit d'interdire le droit de vote aux actionnaires dont l'identité est cachée. Une mesure limitée aux sociétés cotées en Bourse.

Faible dette souveraine

Pour les mesures impopulaires réclamées par les industriels et prophétisées par l'influent ancien ministre des Finances Alexeï Koudrine, il faudra attendre l'après présidentielles. Conforté par une faible dette souveraine (7% du PIB), Vladimir Poutine ne ressent aucune urgence à évoquer l'augmentation pour la population des tarifs domestiques de l'énergie (gaz et électricité) ou le recul de l'âge de la retraite.