Pour résorber son déficit, l'Argentine pratique un protectionnisme décomplexé

Par latribune.fr (source AFP)  |   |  548  mots
Copyright Reuters
L'Argentine est face à un dilemme: contrôler ses importations pour préserver son excédent commercial, seule source de financement en l'absence de crédit après le défaut de 2001, au risque selon les analystes de compromettre à terme son outil de production.

"La seule source de financement en dollars que possède l'Argentine, faute d'accès au crédit, c'est l'excédent commercial", explique Federico Bragagnolo, économiste chez Econviews, rappelant que le défaut record (76 milliards d'euros) de 2001 a fait de ce pays un paria des marchés. Or, l'excédent commercial de l'Argentine, grand exportateur de matières premières, est en baisse régulière. En 2011, il a été de 7,8 milliards d'euros, soit en recul de 11% à 2010. Cette baisse est d'autant plus angoissante pour le gouvernement qu'il n'arrive plus à financer les subventions (eau, électricité, gaz, transports) qui ont atteint un record de 12 milliards d'euros en 2011, soit 50% de plus qu'en 2010. L'Etat est contraint de les supprimer partiellement et par étapes.

Les échéances de la dette publique, elles, s'élèvent à près de 6 milliards de dollars (4,5 milliards d'euros) en 2012 et les réserves monétaires ont diminué de 4,5 milliards d'euros en 2011, passant de 39,5 à 35 milliards d'euros. Autre difficulté majeure: la fuite de capitaux. Pour y faire face, le gouvernement met en place une série de contrôles draconiens sur l'achat de devises.

Comment s'en sortir ? "En accumulant des dollars pour assurer la viabilité de l'économie", dit Federico Bragagnolo.

Pour Mauricio Claveri, économiste chez abeceb.com, "cela ne fait aucun doute qu'une grande partie de l'excédent commercial est dû à la politique protectionniste". Le gouvernement a décidé de contraindre les importateurs à remplir des déclarations détaillées de leurs achats en se réservant un délai de dix jours avant de donner son feu vert. Cette mesure s'ajoute aux accords "informels". Pour exporter en Argentine, on doit s'engager à importer des produits argentins ou à investir dans le pays pour ne pas risquer de voir ses produits bloqués aux douanes.

Porsche et Blackberry touché

Parmi les cas les plus connus, le constructeur automobile allemand Porsche a dû en 2011 s'engager à acheter du vin et de l'huile d'olive argentins pour faire entrer une centaine de véhicules. Le fabricant canadien BlackBerry a dû, lui, annoncer l'ouverture d'une unité de production en Terre de Feu (sud) pour continuer à vendre ses portables.

Ces mesures inquiètent les pays de l'Union européenne, qui représentent 17% des exportations argentines et 16% des importations. Elles sont critiquées par les partenaires de l'Argentine au sein du Mercosur (Paraguay, Brésil et Uruguay), qui représentent 25% des exportations argentines et 31% des importations. La présidente Cristina Kirchner s'en est pris jeudi à "ceux qui voient dans le contrôle du commerce extérieur quelque chose de sacrilège", en faisant valoir que "l'Argentine était au sein du G20 le deuxième pays dont les importations avaient le plus augmenté en 2011 (+30%), après l'Inde (+60%)".

Les experts ne semblent pas convaincus. "L'Argentine est devenu l'un des pays les plus protectionnistes", dit Aldo Abram, économiste chez Exante, déplorant l'existence de "normes non écrites". Mais cette politique peut trouver rapidement des limites. "Les entreprises qui ont besoin d'importer des pièces détachées pour leur production en Argentine ont maintenant des problèmes", explique Federico Bragagnolo. "Nombre d'usines ont du mal à s'approvisionner", convient Mauricio Claveri. En janvier, lassée des retards provoqués par les nouveaux contrôles, le constructeur automobile Fiat a arrêté son usine de Ferreyra (Cordoba, centre) pendant 48 heures. Un avertissement pour le gouvernement.