Une rumeur de coup d'Etat en Chine inquiète les marchés financiers

Par Robert Jules  |   |  645  mots
Congrés national du Parti communiste chinois, à Pékin en mars 2010/AFP
Il a suffi qu'une rumeur de coup d'Etat en Chine se propage sur la toile pour inquiéter les marchés financiers et mettre les autorités à Pékin sur le qui-vive. C'est le signe que la bataille que se livrent les clans malgré le huis clos pour accéder à la tête du parti communiste ne connaît pas de répit, comme en témoigne la chute spectaculaire du leader Bo Xilai la semaine dernière.

La chute de Bo Xilai, qui comptait jusqu'à la semaine dernière parmi les favoris pour devenir l'un des neuf membres du bureau politique du Parti communiste chinois cet automne, n'en finit pas de faire des remous.

Mardi, des rumeurs de coup d'Etat en Chine ont couru sur internet. Elles ont été prises suffisamment au sérieux par les marchés financiers puisque le montant des CDS (credit default swaps, contrats qui permettent de s'assurer contre le risque sur un actif financier) sur la dette souveraine chihnoise a connu sa plus importante hausse de ces quatre derniers mois. Des analystes voyaient cependant dans cette hausse, un mouvement amplifié par certains spéculateurs.

Le prix des CDS sur la dette chinoise s'envole

A l'origine de la rumeur, on trouve le journal Epoch Times basé à New York, qui publie en chinois et en anglais, réputé proche du mouvement religieux Falun Gong, qui a lui-même relayé certains informations de source policière publiées dans la blogosphère chinoise. A l'instigation de l'ancien président chinois Jiang Zemin, un membre du comité central du parti et ancien ministre de la Sécurité publique, Zhou Yongkang, aurait tenté avec l'aide de forces de la police d'arrêter le Premier ministre Wen Jiabao et le président Hu Jintao.

Du côté officiel, le porte-parole du ministre des Affaires étrangères chinoises, Qin Gang, a indiqué à l'agence Bloomberg, « qu'il n'avait rien entendu sur ce sujet », ajoutant qu'il fallait « être très prudent sur l'article de ce journal ».

Le twitter chinois censuré

Toutefois, on ne sait pas quel est aujourd'hui le sort exact de Bo Xilai. Selon Epoch Times, l'ex-patron du parti communiste de Chongqing se trouverait en résidence surveillée, objet d'une enquête pour corruption. De fait, sur le Twitter chinois, Weibo, la recherche de l'expression "Bo Xilai" renvoyait mardi et mercredi à un message "la recherche de résultats "Bo Xilai" ne peut être affichée".

Au delà des rumeurs qui pourraient bien se multiplier dans les prochains mois en raison du secret qui entoure le mode de désignation de la nouvelle direction du parti communiste et donc des futures dirigeants de la deuxième puissance mondiale, le consensus qui prévalait ou la présence d'une leader incontesté comme le fut Mao ou Deng Xioping pour faire émerger de nouveaux leaders n'est aujourd'hui pas de mise. Plusieurs clans s'affrontent dans un huis clos où la division entre "conservateurs" et "libéraux" s'avère commode mais néglige d'autres groupes qui défendent des intérêts économiques.

Enquête pour corruption

Si le camp conservateur a incontestablement perdu avec Bo Xilai, l'ex-patron du parti communiste de l'une des villes les plus dynamiques du pays, Chongquing, un leader charismatique, son limogeage spectaculaire illustre que la lutte pour l'accession au pouvoir se fait au prix de tous les moyens.

Ses ennuis avaient commencé avec la décision prise le mois dernier par son bras droit et ancien chef de police Wang Lijun de trouver refuge au consulat américain, avant d'être remis aux autorités chinoises. Selon un document officiel cité par le New York Times, Wang avait agi ainsi car il craignait pour sa vie après avoir été démis de ses fonctions de chef de la police par Bo qui lui reprochait d'avoir ouvert une enquête pour corruption sur son entourage familial.

Cet ancien ministre du Commerce, qui avait séduit la presse internationale, avait su à travers un « revival » très médiatisé de la culture du maoïsme s'attirer la sympathie de cette partie de la population qui s'estime la perdante de l'exceptionnelle croissance économique du pays. Au sein du parti, certains avaient critiqué les moyens peu orthodoxes au regard des règles du parti emloyés par Bo Xilai pour accélérer sa promotion au plus haut niveau.