Comment l'Iran contourne les sanctions internationales

Par Pascal Lacorie, à Jérusalem  |   |  514  mots
Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad/Copyright Reuters
Téhéran utilise plusieurs stratagèmes pour contourner les sanctions imposées à l'Iran par la communauté internationale, dont le recours à des banques turques ou libanaises pour effectuer ses paiements internationaux.

"L'Iran est désormais au bord de l'effondrement économique." Ce diagnostic aux allures de v?u pieux a été établi par Youval Steinitz, ministre israélien des Finances, à la suite de l'expulsion le mois dernier de l'Iran du réseau de transferts interbancaires SWIFT installé à Bruxelles. Cette sanction prise en réponse au refus de Téhéran de geler son programme nucléaire est censée paralyser le commerce extérieur iranien. Dans les faits, l'Iran utilise toute une gamme de stratagèmes pour contourner l'obstacle.

Banques privées turques

Par exemple, les services de banques privées turques ont servi récemment d'intermédiaires pour effectuer les paiements d'achats internationaux de quelque 2 millions de tonnnes de blé en vue de constituer des réserves stratégiques au cas où une guerre éclaterait avec les Etats-Unis ou Israël. Les transactions ont été réglées en euros. D'autres opérations,notamment sur le pétrole, passent par la Suisse, ou sont payées en liquide ou même en or. Les banques du Golfe de Dubaï dont se servaient les Iraniens encore récemment sont en revanche devenues plus réticentes de crainte d'être interdites d'activités sur les marchés financiers américains.

Pragmatisme américain

Washington sait toutefois faire preuve d'un certain pragmatisme. "Les Américains savent fermer les yeux lorsque certains de leurs alliés tels le Japon ou la Turquie font des affaires avec l'Iran qui exploite à fond ces règles du jeu", constate un diplomate en poste au Moyen-Orient. Ces man?uvres diplomatico-financières se font d'ailleurs sentir dans l'ensemble de la région. Selon les services de renseignements israéliens, la milice libanaise chiite Hezbollah, alliée de l'Iran, aurait pris la contrôle d'une demi-douzaine de banques commerciales libanaises. En tant que parti membre du gouvernement, le Hezbollah entend ainsi assurer ses arrières financiers et compenser la baisse de l'aide de l'Iran entraînée par la chute des recettes pétrolières. Deuxième objectif : il s'agit aussi de se prémunir contre les "incertitudes" sur l'avenir du régime syrien de Bachar al-Assad, qui soutenait lui aussi le Hezbollah.

Dossier compliqué

Cette stratégie se traduirait par la nomination à des postes clés de proches du Hezbollah au sein de la banque centrale libanaise, ainsi qu'auprès des services de douanes. Ce parti espère ainsi compenser la chute des subsides évalués à 200 à 300 millions de dollars par an que lui versait l'Iran, qui n'a plus les moyens d'assurer des transferts d'un tel montant faute d'un matelas de devises étrangères suffisant. Sur ce front aussi, les Etats-Unis sont actifs. Des procédures ont été ouvertes à la fin de l'an dernier contre plusieurs banques libanaises soupçonnées de financer le Hezbollah. Mais ce dossier est plus compliqué que celui de l'Iran. En dépit des pressions américaines et israéliennes, l'Union Européenne s'est en effet refusé pour le moment à inscrire le Hezbollah dans sa liste noire des organisations terroristes ce qui limite les possibilités de sanctions économiques efficaces.