Brasilia veut contraindre les banques à réduire leurs taux

Par Virginie Mairet, à Rio de Janeiro  |   |  538  mots
Dilma Rousseff, présidente fédérale du Brésil. Copyright Reuters
Le gouvernement brésilien veut favoriser l'accès au crédit pour relancer son économie. Les banques privées font grise mine.

Ce dimanche soir, à l?heure où les Brésiliens s?installeront devant leur téléviseur pour regarder « Fantastico », le programme de reportage le plus populaire du pays, c?est peut-être la pause publicité qui marquera le plus les esprits. Les deux principales institutions publiques, la Banque du Brésil et la Caisse économique fédérale ont prévu d?y faire des annonces explosives : la baisse drastiques des taux d?intérêts pour les crédits aux consommateurs et aux entreprises, jusqu?à 78% dans certains cas.

Rupture

Cette décision, prise sous l?impulsion de la présidente Dilma Rousseff, est une véritable rupture. Le gouvernement de Luiz Inacio Lula da Silva avait déjà mis à contribution les banques publiques, exigeant qu?elles continuent à prêter durant la crise de 2008 pour compenser l?assèchement du secteur privé, et en criant des lignes spécifiques pour le logement populaire. Mais le « spread bancaire », c?est-à-dire la différence entre le taux du marché interbancaire et le taux offert aux clients, était sensiblement le même, très élevé. « Nous sommes dans une situation où le consommateur paye un taux d?intérêt mensuel de 6, 7, voire 8% par mois, alors que l?inflation mensuelle ne dépasse pas 0,5%. C?est un scandale, nous sommes dans une situation de trust bancaire », déclarait récemment Paul Singer, secrétaire national de l?économie solidaire, un intellectuel influent au sein du gouvernement. La situation est d?autant plus absurde que les banques brésiliennes sont très bien capitalisées.

Relancer la croissance

Malgré la crise mondiale, le crédit reste dynamique au Brésil : il a augmenté de 20% en 2010, année de forte croissance (7,5%), et de 17% en 2011, une année pourtant décevante (2,7% de hausse du produit intérieur brut). Les ménages consomment à un rythme plus élevé que le reste de l?économie, grâce à des revenus mieux répartis, fruit des politiques sociales, et aux salaires en hausse, conséquence d?un chômage historiquement bas, inférieur à 6%. Pour relancer la croissance, le gouvernement vient d?annoncer une batterie de mesures, injectant quelques 60 milliards de reais (25 milliards d?euros) pour permettre à l?industrie d?être plus compétitive. Mais sa principale préoccupation reste le dynamisme de la demande intérieure : Brasilia a augmenté de 14% le salaire minimum en début d?année. Même s?il table sur la confiance des ménages ? 77% des Brésiliens approuvent l?action de Dilma Rousseff ? le gouvernement a démontré cette priorité, en poussant les banques publiques à casser le marché.

Réplique des banques

Mardi, les représentants des banques privées iront négocier avec le gouvernement une baisse de leurs taux. Elles demandent en échange un accès plus simple à l?historique des emprunteurs et des réductions d?impôts. Quel que soit la réponse de Brasilia, il est urgent pour elles de contre-attaquer. L?enjeu est de garder leur clientèle, mais surtout d?attirer les quelques 40 millions de personnes de la « nouvelle classe moyenne », qui ont dépassé le seuil de pauvreté au cours de la dernière décennie pour accéder au monde de la consommation.