La Turquie vote Hollande

Par Delphine Nerbollier, à Istanbul  |   |  550  mots
Vue d'Istanbul. Copyright AFP
Les Turcs espèrent ouvertement une défaite du président français sortant, sans se faire d'illusions toutefois sur son concurrent.

Egemen Bagis se veut confiant. "Quels que soient les résultats (de l'élection présidentielle française), je crois que la politique de la France changera une fois la campagne électorale terminée" a déclaré cette semaine le ministre turc des affaires européennes qui estime que "la rhétorique dure" employée par Paris au sujet du processus européen de la Turquie est "contraire aux intérêts nationaux de la France". "L'intérêt de la France est que cela se passe bien avec la Turquie. Le peuple français et le monde du travail le savent. Les hommes politiques le verront aussi" a ajouté ce ministre, généralement très critique envers Nicolas Sarkozy et son opposition déclarée à l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne. "L'Europe a réalisé 92% des investissements directs étrangers en Turquie en 2011. Elle est consciente du potentiel économique de la Turquie" ajoute Egemen Bagis. Son pays a en effet connu une croissance de 8,5% en 2011. Pour Egemen Bagis, les contentieux franco-turcs, notamment sur la question arménienne,"resteront donc en arrière plan après les élections".

"Si Sarkozy gagne, alors pauvres de nous ! "

A dix jours du second tour des élections françaises, une chose est sûre : une grande majorité des turcs, tous milieux confondus, souhaitent une défaite de l'actuel président. "Si Hollande perd et Sarkozy reste au pouvoir, alors pauvres de nous" a lancé dimanche Mehmet Ali Birand, présentateur vedette, en direct sur la chaine de télévision kanal D. "Je pense que la Turquie serait contente de ne pas voir M. Sarkozy réélu" confirme Can Buharali,du centre de recherche économique et de relations internationales Edam. Est-ce à dire que la candidature de François Hollande réjouit ? Le commentateur politique Sami Kohen, ne voit pas "vraiment de différence" pour la Turquie, entre les deux hommes, notamment au sujet de la question arménienne. Le candidat socialiste a en effet soutenu la loi pénalisant la négation du génocide, votée en décembre par l'assemblée nationale mais censurée par le Conseil constitutionnel. Depuis, il a affirmé vouloir la remettre à l'ordre du jour s'il est élu."La seule différence, c'est que M. Hollande n'a pas de haine personnelle envers la Turquie" estime Sami Kohen. "S'il est élu, il y aura donc un apaisement". Par ailleurs, sur la question européenne, François Hollande soutient l'entrée d'Ankara sans toutefois la croire réalisable dans un avenir proche.

Acte d'hostilité

Pour les milieux économiques turcs, l'avenir des relations bilatérales (12,5 milliards d'? d'échanges en 2011, soit une hausse de 7,7% en un an) dépendront certes du nouveau président mais surtout de la volonté de remettre à l'ordre du jour cette loi si décriée en Turquie. "Si elle est renouvelée, cela sera pris comme un acte d'hostilité" analyse Can Buharali. "Certains hommes d'entreprises pourraient moins s'engager avec la France et chercher des alternatives." Le vote de cette loi en décembre a eu un impact particulièrement négatif sur la filière bovine et le secteur pharmaceutique français même si, en général, les exportations vers la Turquie ont continué de progresser en janvier et février 2012.