Acquisitions de terres agricoles : la ruée vers l'Afrique continue

Par latribune.fr  |   |  604  mots
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Dans un rapport, la Coalition internationale pour l'accès à la terre (ILC) estime que le phénomène de l'acquisition à grande échelle de terres agricoles se poursuit. Une dizaine de pays concentrent l'essentiel des assauts des grands groupes internationaux.

La ruée des grandes entreprises mondiales sur les terres agricoles, qui avait atteint des sommets en 2009, n'était pas un épiphénomène mais une tendance de fond. Tel est le principal enseignement d'une étude publiée ce vendredi par la Coalition internationale pour l'accès à la terre (ILC), rédigée avec l'aide d'une quarantaine d'organisations à l'occasion de la Conférence annuelle de la Banque mondiale sur la Terre et la Pauvret.

La plupart des acquisitions concentrées dans 11 pays

L'étude analyse ainsi les investissements fonciers agricoles au niveau international sur les 1217 transactions signalées depuis 2000, concernant 83,2 millions d'hectares de terres dans les pays en développement. Soit l'équivalent de 1,7% de la surface agricole mondiale. "La ruée s'est ralentie, mais elle continue à un haut niveau" précise le rapport. Et c'est l'Afrique qui concentre, sans surprise, toutes les attentions des acheteurs de terres. Ainsi, 754 transactions sur les 1.217 recensées concernent le continent noir, ce qui représente 56,2 millions d'hectares. Soit beaucoup plus qu'en Asie (17,7 millions d'hectares) et en Amérique latine (7 millions). Ces acquisitions de terres représentent 4,8% du total des terres agricoles africaines, c'est-à-dire une superficie équivalente au Kenya.

La majorité des acquisitions concernent d'ailleurs une infime minorité de pays. Ainsi, onze pays concentrent plus de 70% de la surface totale des terres acquises dans ces transactions. Sept sont Africains (le Soudan, l'Ethiopie, le Mozambique, la Tanzanie, Madagascar, la Zambie et la République démocratique du Congo). Les trois autres sont les Philippines, l'Indonésie et le Laos.

Les investisseurs ciblent les pays les plus pauvres... et qui les protègent le mieux

Selon l'étude, les investisseurs choisissent des pays parmi les plus pauvres, les plus faiblement intégrés dans l'économie mondiale, notamment les pays africains, mais qui offrent de grandes protections pour les investisseurs. Les investisseurs ? L'étude souligne que les principaux pays investisseurs se divisent en trois groupes : les économies émergentes, les Etats du Golfe, et l'Europe et l'Amérique du Nord. Ils proviennent à la fois du secteur public et du secteur privé, et sont attachés aux partenariats avec les pays dans lesquels ils veulent s'implanter, à la fois pour réduire les coûts d'une administration locale souvent complexe, et pour des raisons légales. Un précédent rapport de la Coalition internationale pour l'accès à la terre (ILC), publié en janvier dernier, faisait également état de l'augmentation des acteurs locaux dans l'achat de terres. Ainsi, à Madagascar par exemple, des entreprises locales ont acheté en masse des terres, puis ont signé des contrats avec des entreprises étrangères, de manière à devenir des intermédiaires entre des sociétés étrangères et la population locale.

Des intérêts de long terme

Mais qu'est-ce que ces investisseurs viennent chercher dans ces terres agricoles ? Plus des trois quarts (78%) des transactions qui ont donné lieu à des vérifications croisées concernent ainsi la production agricole, notamment les biocarburants. Le reste se répartit entre l'extraction minière, le tourisme et la reconversion forestière. 

La ruée sur les terres semble motivée, selon l'étude, par des intérêts de long terme. "La crise alimentaire de 2007-2008 a entraîné une ruée des investisseurs pour les terres agricoles disponibles, qui va continuer dans les années à venir et sur le long-terme", estime l'étude. L'augmentation probable des prix des matières premières alimentaires, la croissance de la population mondiale et de la demande de nourriture, et le développement des biocarburants et de la spéculation financière, font que les terres agricoles sont des investissements d'avenir.