Vers une renationalisation rampante du secteur de l'énergie en Russie ?

Par Emmanuel Grynszpan, à Moscou  |   |  550  mots
Igor Setchine, président de Rosfnet et ex-premier vice-Premier ministre de Russie/ Copyright Reuters
Vladimir Poutine pourrait consolider en priorité un large bloc des secteurs pétrolier et de l'électricité au lieu de s'engager davantage dans la privatisation comme il s'y était engagé jusqu'ici. En arrière-plan de ces manœuvres, une bataille d'influence se livre entre Igor Setchine, proche du président russe, et le Premier ministre Dmitri Medvedev.

En annonçant jeudi un calendrier de privatisation, le président russe Vladimir Poutine a envoyé aux investisseurs des signaux contradictoires D'une part, il confirme que les deux géants d'Etat de l'énergie russe Rosneft et Gazprom seront partiellement vendus entre 2013 et 2015 (soit un nouvel ajournement). D'autre part, il autorise Rosneftegaz, un holding 100% d'Etat détenant 75% de Rosneft, 10% de Gazprom à participer... aux privatisations.

Partisan de l'accroissement du rôle de l'Etat

Qui plus est, Vladimir Poutine a en début de semaine placé son allié le plus proche Igor Setchine à la tête de Rosneft, la plus importante compagnie pétrolière russe. Igor Setchine est connu pour être partisan de l'accroissement du rôle de l'Etat dans l'économie et dans le secteur énergétique en particulier. En qualité de « premier vice Premier ministre » (sic) durant les quatre années précédentes, il a freiné des quatre fers le processus de privatisation poussé par l'ancien président Dmitri Medvedev.

Artisan de la renationalisationde Ioukos

Igor Setchine est aussi considéré comme le principal artisan de la renationalisation de Ioukos (récupéré par Rosneft) à travers, entre autres actions, l'emprisonnement des milliardaires Mikhaïl Khodorkovski et Platon Lebedev. Le quotidien Kommersant affirme qu'Igor Setchine souhaite consolider autour de Rosneft toute une série d'actifs pétroliers comme Transneft (oléoducs), Zaroubejneft (groupe public possédant des actifs pétroliers à l'étranger) et Sourgoutneftegaz (4e pétrolier russe, dont la structure de propriété reste largement opaque). La consolidation pourrait aller au-delà des hydrocarbures en incluant les principaux actifs du secteur électricité : Inter RAO EES (centrales électriques en Russie et à l'étranger), FSK (gérant du réseau fédéral électrique) et RusHydro (qui regroupe les principales centrales hydroélectriques russes).

Ces trois derniers groupes sont cotés en Bourse, de même que Transneft, Rosneft et Gazprom. Jeudi, les marchés d'actions russes ont accusé une forte baisse à l'annonce d'une possible participation de Rosneftegaz aux "privatisations". L'acquisition d'actifs à travers la structure de Rosneftegaz se ferait grâce aux bénéfices et aux dividendes perçus grâce à Rosneft et à Gazprom, soit une somme de 2,2 milliards d'euros qui auraient dû tomber en principe dans les recettes du budget fédéral russe.

Une décision conjoncturelle, selon les analystes

Bien que la nouvelle ait effrayé une partie des investisseurs, la plupart des analystes y voient une décision conjoncturelle. "En effet, ce n'est pas le moment de vendre les parts de l'Etat dans les sociétés du secteur énergétique, car les sociétés cotées sont fortement sous-évaluées par le marché", confirme Gregori Birg, analyste chez Investkafe. Alexeï Kokine, analyste chez UralSib, pense que "malgré certaines incertitudes dans cet arrangement, qui devraient être clarifiées par le gouvernement dans les prochaines semaines, nous estimons que l'opération devrait permettre de recapitaliser certains actifs de Rosneftegaz. Et permettre ainsi de les vendre à meilleur prix plus tard".

Pour Vassili Konouzine, directeur des analyses chez IFK Alemar, "l'influence de Setchine, qui va bientôt prendre la direction de Rosneftegaz, devrait profiter au secteur énergie en apportant davantage de cohérence". Sur un plan politique, la man?uvre permet de replacer Igor Setchine à un niveau d'influence au moins égal à celui de son principal concurrent, Dmitri Medvedev.