La Bundesbank sort l'arme de la critique littéraire face à la BCE

Par Romaric Godin  |   |  594  mots
DR Wikipedia
Jens Weidmann, le président de la Bundesbank, a usé d'une arme redoutable contre Mario Draghi: Johann Wolfgang von Goethe. Comment riposter ?

Ainsi donc, rien n'y fait. Jens Weidmann, le président de la Bundesbank, refuse de désarmer. Malgré les critiques ouvertes du ministre fédéral des Finances, Wolfgang Schäuble, malgré la neutralité embarrassée de la chancelière, il ne cesse de fustiger ouvertement la politique « inflationniste » de Mario Draghi. Et puisque l'Italien imprimeur de billets de banque a sorti début septembre son « bazooka » monétaire au nom assez étrange de « Outright Monetary Transactions » (OMT), il était dans l'ordre des choses que Jens Weidmann ait également recours à une arme ultime. En bon allemand, il a donc dégainé son Goethe, chargé, comme il se doit, des deux « Faust ». Mardi soir à Francfort, la rafale a été redoutable.

Ce diable de Draghi

Dans son discours, le président de la Buba va citer abondamment le Faust II du génie littéraire allemand né à Francfort, décidément le lieu central du débat monétaire européen. Il va surtout rappeler cette scène : l'Empereur est à court d'argent. Il se lasse des propositions mesurées qui lui sont faites et proclame : « J'en ai assez de ces éternels "Mais" et "Si" ; Je manque d'argent, alors qu'on en crée donc ! » Et le Diable, Mephisto, d'abonder dans le sens du Souverain : « Je crée ce que vous voulez, et j'en fais même bien plus. » Le cercle vicieux de l'hyperinflation lancé par le Malin ! Voyez vers qui se tourne le regard de Jens Weidmann...

Goethe parle d'or

La parole de Goethe est d'or outre-Rhin où l'on rappelle que le poète fut, en son temps, ministre des Finances du petit duché de Saxe-Weimar-Eisenach en pleine banqueroute, et qu'il s'opposa alors à l'usage de la création monétaire qu'il assimilait à de « l'alchimie moderne. » Jens Weidmann boit du petit lait et rebondit sur ce thème dans la conclusion de son discours : « Si les banques centrales peuvent créer de l'argent en quantité infinie à partir de rien, comme peut-on s'assurer que l'argent deviendra suffisamment rare pour conserver de la valeur ? »

Trouver une riposte à ce bazooka

Voici Mario Draghi placé entre le diable et Nicolas Flamel. Apprenti sorcier au service du mal. Le « bazooka » de Jens Weidmann est redoutable. Il est donc temps de répondre avec les mêmes armes. Si notre gouverneur de la banque de France veut des munitions, il en trouvera aisément dans notre glorieuse littérature, à commencer par Honoré de Balzac, contemporain du grand Goethe, et, lui aussi (et peut-être un peu plus que le génie allemand), grand spécialiste des questions d'argent.

Une poule à trente sous ?

Il ne s'agit sans doute pas de demander à Christian Noyer de répondre à son collègue cette phrase de Célestine Rabourdin dans "les Employés" : « La fonction d'un ministère des Finances est de jeter l'argent par les fenêtres, il lui rentre par ses caves ! » Mais sans doute pourrait-il lui lire le début de "la Rabouilleuse", roman trop méconnu du génie tourangeau où il décrit la lente décrépitude de la ville d'Issoudun dont les bourgeois, obsédés par le renchérissement du coût de la vie, refusent d'évoluer et laissent passer tout développement de leur ville. Ainsi, ne veulent-ils pas voir passer dans leur ville la route de Paris à Toulouse "en objectant que si la grande route traversait leur ville, les vivres augmenteraient de prix et l'on serait exposé à payer les poulets trente sous." L'Europe serait-elle désormais au c?ur d'un débat entre Mephisto et les bourgeois d'Issoudun ?