"Baleine de Londres" : la direction de JPMorgan aurait menti

Par latribune.fr  |   |  707  mots
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Selon un rapport d'enquête parlementaire publié jeudi aux Etats-Unis, la banque JPMorgan Chase aurait fourni des informations fausses ou incomplètes aux investisseurs et aux régulateurs sur les risques et pertes liées à l'affaire dite de la "baleine de Londres". Affaire qui mettait en cause un trader français dont les prises de position auraient entrainé des pertes estimées à un peu plus de 6 milliards de dollars.

Ce sont des accusations graves. Un rapport d'enquête du Sénat américain de plus de 300 pages publié jeudi accuse la direction de la banque JPMorgan Chase de mensonge dans l'affaire de la "baleine de Londres". Après avoir examiné près de 90.000 documents, plus de 200 conversations téléphoniques, ainsi que des entretiens avec des membres de la banque et des régulateurs, le rapport publié jeudi aux Etats-Unis est parvenu à la conclusion suivante. La direction de la banque JPMorgan aurait occulté des risques, trompé les investisseurs et tenté de contourner la réglementation, confrontée qu'elle était à des pertes énormes liées à un portefeuille de dérivés.

6 milliards de dollars de pertes

Pour rappel, l'affaire dite de la "baleine de Londres" est celle d'un trader français, Bruno Iksil, basé au sein de la cellule d'investissement (CIO). Celui-ci avait pris des positions considérables entraînant des pertes estimées à un peu plus de 6 milliards de dollars (4,7 milliards d'euros). Or en avril dernier, le patron de la banque avait dédramatisé la situation alors que la presse s'en inquiétait. Jamie Dimon avait alors évoqué une "tempête dans un verre d'eau". 

Le patron de JPMorgan savait

Pourtant, selon le quotidien britannique The Guardian, le rapport conclut qu'il était tout-à-fait au courant de l'état des pertes "au moment de cette déclaration". Jamie Dimon aurait même, à un moment donné, ordonné qu'on ne transmette plus de rapports quotidiens de pertes et de profits de trading à l'Office du Contrôleur de la Monnaie (OCC), l'une des principales autorités de tutelle de la banque, craignant des fuites, lit-on dans le rapport.

"Nous avons à plusieurs reprises admis nos erreurs et la direction a toujours agi de bonne foi, sans jamais avoir eu l'intention de tromper qui que ce soit", a toutefois assuré une porte-parole de J.P. Morgan à l'agence Reuters.  JPMorgan avait néanmoins déjà reconnu mi-janvier avoir commis de "graves erreurs" et la responsabilité de certains de ses hauts dirigeants, dans des rapports tirant les conclusions d'un audit interne sur l'affaire. Jamie Dimon avait d'ailleurs lui-même assumé "une part de responsabilité" et vu son bonus réduit de moitié.

Un changement des règles pour un risque accru

Par ailleurs, toujours selon le rapport, la banque aurait changé ses méthodes d'évaluation du risque pour contourner les règles de fonds propres. Le document cite des courriels dans lesquels un analyste de la banque se fait fort de remodeler les procédures pour dissimuler l'augmentation des risques au sein du CIO. La banque "a accru le risque en présentant faussement le portefeuille comme un instrument de couverture et de réduction du risque alors qu'il s'agissait en fait de trading pour compte propre", a confié le parlementaire républicain John McCain, ancien candidat à la présidentielle de 2008 et membre de la sous-commission, à la presse.

La sous-commission devait entendre directement des responsables de la banque, à l'exception de Jamie Dimon, ce vendredi matin sur ces transactions de dérivés connues sous l'appellation de transactions de la "baleine de Londres", surnom donné au trader français Bruno Iksil. Si le sénateur Carl Levin, qui préside la sous-commission, dit ne pas encore avoir décidé s'il soumettrait le rapport à des autorités judiciaires civiles ou pénales, il a cependant assuré que celle-ci pourrait prodécer à de nouvelles auditions, voire convoquer Jamie Dimon lui-même.

Reste que cette publication vient doublement saper le moral de la banque. Elle arrive en effet au moment où la Fed a déclaré avoir découvert des "faiblesses" dans les plans d'investissement de JPMorgan. La réserve fédérale lui a demandé d'améliorer ses procédures avant de déterminer les dividendes des actionnaires. Il s'agit du deuxième volet des stress tests auxquels la banque n'a obtenu qu'un accord sous condition. La Fed reproche à JPMorgan son incapacité à estimer leurs pertes en cas d'événements économiques majeurs. La banque devra donc rendre des comptes à la Fed avant la fin du troisième trimestre. Le statut de "premier de la classe" semble bien loin.


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