Paris et Berlin préparent l'Europe version 2012

Par Philippe Mabille  |   |  512  mots
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Le calendrier du sauvetage de la zone euro s'accélère. Un nouveau pacte de stabilité budgétaire et la révision du traité franco-allemand de 1963 seraient à l'étude pour le sommet européen des 8 et 9 décembre.

Tic tac, tic tac... Le chronomètre qui mesure les chances de survie de l'euro est implacable. Vendredi, après l'échec du sommet tripartite France-Allemagne-Italie à Strasbourg, les tensions ont atteint le point de non-retour sur les dettes italienne et espagnole : elles rejoignent des niveaux qui menacent désormais ces pays d'un scénario d'insolvabilité à la grecque. La Belgique, dont l'instabilité politique sans fin a été sanctionnée par l'agence Standard & Poor's, qui l'a dégradée de AA+ à AA, suit le même chemin (lire page 22).

La situation est désormais critique. La raréfaction du crédit, le « credit crunch », ne menace plus seulement le financement des entreprises, mais celui des déficits publics. Pour sortir de cette situation, tous les regards se tournent vers la Banque centrale européenne. Vendredi, elle aurait, selon des sources de marché, acheté de la dette italienne et espagnole, sans empêcher l'envol des taux d'intérêt. Depuis le début de la crise grecque, outre son soutien presque illimité à la liquidité des banques, la BCE a dû acquérir près de 200 milliards d'euros d'obligations des États grec, italien, portugais et espagnol, mais cette action n'a fait que ralentir l'inéluctable explosion des spreads de taux.

Officiellement, l'Allemagne continue de s'opposer à une intervention de plus grande envergure de la BCE qui serait, selon elle, contraire à son mandat. Au rythme où va la crise, ce refus obstiné ressemble au comportement d'un pompier qui laisserait la maison brûler afin d'apprendre aux enfants qu'il est dangereux de jouer avec les allumettes. La seule bonne nouvelle du sommet franco-allemand-italien de jeudi est que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont accepté de s'abstenir, l'un comme l'autre, de tout commentaire, « positif ou négatif » sur la BCE.

Cela pourrait ouvrir la voie à une intervention massive décidée en toute indépendance, à condition que, parallèlement, un accord soit trouvé au sommet européen des 8 et 9 décembre sur la réforme institutionnelle de la zone euro. Selon le journal dominical allemand « Die Welt am Sonntag », Paris et Berlin travaillent sur la piste d'un nouveau pacte de stabilité exclusif, limité (sur le modèle du traité de Schengen) à quelques États membres de la zone euro, et renforçant leurs obligations budgétaires mutuelles. Un autre modèle consisterait à adopter une démarche purement bilatérale en incluant dans la révision en cours du traité franco-allemand de 1963 (traité de l'Elysée) une harmonisation poussée en matière sociale et fiscale. Ces deux modèles pourraient être mis en oeuvre simultanément et permettraient d'éviter la lourde procédure d'une révision des traités. Le pacte exclusif viserait à rendre automatiques les sanctions sur les pays qui ne respectent pas leurs engagements budgétaires, en rendant possible le recours à la Cour européenne de justice pour les faire appliquer, à l'image de ce qui se fait en droit européen de la concurrence. Reste à savoir si le gage sera jugé suffisant par la BCE, ce qui lui permettrait de jouer à plein son rôle de sauveur.