Le plan d'aide à la Grèce est bouclé, mais le pays s'enfonce dans la crise

Par latribune.fr avec agences  |   |  883  mots
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Les ministres des Finances de la zone euro se sont mis d'accord, au terme de douze heures de négociations, sur le plan de sauvetage de la Grèce qui comprend à la fois une aide publique et un plan d'effacement partiel de la dette. Le CAC a mal réagit ce matin. La Grèce aura coûté depuis vingt mois plus de 350 milliards d'euros à l'UE, aux banques et aux institutions internationales.

Selon des sources européennes, la Grèce va recevoir, comme attendu, une aide publique de 130 milliards d'euros, dans le cadre de son second plan de sauvetage. Toujours selon des sources européennes, le secteur privé a accepté lui de subir une décote de 53,5% sur les titres de dette grecque détenus.

Ce plan d'aidedevrait permettre de ramener le taux d'endettement du pays "à 120,5%" du PIB en 2020, selon une source gouvernementale européenne.Un niveau d'endettement très proche de l'objectif de certains bailleurs de fonds de la Grèce, notamment l'Allemagne, les Pays-Bas et le Fonds monétaire international (FMI), qui était de 120% du PIB, un niveau considéré comme soutenable à long terme.

L'annonce de l'accord a immédiatement fait bondir l'euro, sur lequel les investisseurs se sont rués: la monnaie unique européenne, qui ne valait que 1,3185 dollar peu avant l'annonce de l'accord a grimpé à 1,3287 dollar en quelques minutes après l'annoncedufeu vert des européens. Les cours du pétrole étaient aussi en nette hausse mardi en Asie, juste après l'annonce de l'accord.

Les discussions se sont tenues en parallèle de la réunion de l'Eurogroupe avec les représentants des créanciers privés, sous la houlette des responsables de l'Institut de la Finance Internationale, Charles Dallara et Jean Lemierre, présents dans le bâtiment. Selon deux sources au fait des discussions, ces derniers ont proposé d'accepter une décote de 53,5% sur leurs titres obligataires grecs, contre 50% auparavant. Une autre source de haut rang au sein de la zone euro a indiqué qu'une enveloppe d'environ six milliards d'euros devait être trouvée pour financer le programme, qui porte sur un montant total de 130 milliards d'euros.

Un rapport confidentiel préparé par l'UE, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international et obtenu par Reuters, montre que des accords devaient être trouvés sur ces différents points afin de ramener la dette grecque à 120% du PIB et permettre la bonne marche du plan. Le document montre également qu'en cas de dérapage dans les réformes mises en place à Athènes ou dans le plan d'économie, la dette grecque pourrait atteindre 160% en 2020, soit environ son niveau actuel.

Comme cela avait été évoqué (voir notre article), la Banque centrale européenne redistribuera aux banques centrales nationales de la zone euro les bénéfices sur ses titres obligataires grecs détenus dans le cadre du programme de rachat d'obligations lancé en mai 2010, a indiqué une source de haut rang au sein de la zone euro. L'institut de Francfort a acheté environ 38 milliards d'euros de dette grecque au titre du programme dit SMP (Securities Market Programme) et ces titres ont désormais une valeur d'environ 50 milliards d'euros. Renoncer à ces profits permettrait de réduire la dette grecque.

Pas de remède miracle

L'Allemagne et les Pays-Bas, qui restent sceptiques quant à la capacité de la Grèce de tenir ses engagements, à commencer par un programme d'économies de 3,3 milliards d'euros, s'étaient voulus prudents avant la réunion. Le ministre néerlandais des Finances a déclaré que les Pays-Bas se refuseraient à approuver le nouveau plan tant qu'Athènes n'aurait pas respecté toutes ses obligations. "La Grèce veut l'argent et jusqu'à présent nous ne leur avons rien donné. Nous avons dit non au cours des deux dernières semaines. Nous pouvons nous permettre de dire non jusqu'à ce que la Grèce se conforme à toutes les demandes", a dit Jan Kees De Jager à Bruxelles.

Avec son homologue allemand Wolfgang Schaüble, De Jager a en particulier insisté sur des actions prioritaires que la Grèce devra prendre au cours des deux prochaines semaines. Ces actions devront précéder le premier décaissement de fonds publics prévu pour début mars ainsi qu'un échange d'obligations souveraines détenues par des créanciers privés, qui sera lancé le 8 mars. Ce "swap" permettra à la Grèce d'effacer 100 milliards d'euros de dettes et devra être terminé avant le 11 mars, à temps pour qu'Athènes puisse rembourser 14,5 milliards d'euros d'obligations venant à échéance le 20 mars.

Le nouveau plan d'aide ne sera pas un remède miracle. L'économie grecque s'est contractée de 7% en rythme annuel au dernier trimestre 2011, bien plus que prévu, et les nouvelles mesures d'austérité devraient encore aggraver la situation.

Surveillance

La troïka UE-FMI-BCE, qui supervise la mise en place des réformes, effectue des rapports trimestriels. Dans le cadre du deuxième plan de sauvetage, la Commission européenne enverra bientôt des dizaines d'autres inspecteurs à Athènes. Cette surveillance du programme est également en cours de négociation, de même que l'idée de mettre en place un mécanisme permettant de diriger de manière prioritaire les nouveaux prêts à rembourser de la dette grecque.

Diplomates et économistes n'attendent pas de ce nouveau plan de renflouement qu'il règle tous les problèmes économiques grecs du jour au lendemain et beaucoup estiment qu'il faudra au moins dix années voire davantage pour s'acquitter de cette tâche. Ce constat a amené encore plusieurs milliers de Grecs à manifester dimanche leur colère devant le parlement face à la cure d'austérité draconienne qu'ils se voient imposer et qui était l'une des conditions de ce nouveau plan de soutien.