Où le travail coûte-t-il vraiment plus cher... en France ou en Allemagne ?

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  713  mots
Copyright Reuters
"Le coût de la main-d'œuvre : comparaison européenne 1996-2008". Voilà une étude de l'Insee qui tombe à point nommé, alors que le "match" France-Allemagne est au cœur de la campagne électorale et que la politique menée Outre-Rhin est considérée comme un exemple par le candidat-président.

Les données sur les coûts de la main d'oeuvre en Europe communiquées par l'Institut national de la statistique vont permettre de disposer d'éléments concrets sur ce sujet de fond, sachant que la situation n'a guère évolué depuis 2008. Globalement, malgré un lent processus de convergence, le coût horaire de la main d'?uvre reste fortement hétérogène entre les pays membres de l'ex-Union européenne à 15. Il est indéniable que dans l'industrie manufacturière comme dans les services marchands, la France fait partie des pays européens au coût horaire de la main d'?uvre est élevé, avec la Belgique, le Danemark et la Suède.

La France et l'Allemagne font quasi jeu égal

Contrairement aux idées reçues, dans l'industrie manufacturière, ce coût se situe autour de 33 euros en France, au même niveau que l'Allemagne. Le record étant détenu par la Belgique (36 euros), suivie par le Danemark (34,76 euros). A l'autre bout de l'échelle, on trouve le Portugal (9,89 euros) et la Grèce (15,77 euros). A noter que dans certains secteurs, le coût horaire allemand reste le plus élevé d'Europe. C'est notamment le cas dans l'industrie automobile (43,14 euros) contre 33,38 euros pour la France.

L'Allemagne, le pays où la progression du coût du travail est la plus faible

La comparaison des évolutions du coût de la main d'?uvre sur 12 ans apporte des éléments complémentaires significatifs. Si, en 1996, l'Allemagne était en effet la pays européen où ce coût était le plus élevé d'Europe, il est aussi celui, 12 ans plus tard, dont la progression de ce coût a été la plus faible (1,9% par an dans l'industrie manufacturière). Dans le même temps, en France et en euros courants, la hausse en rythme annuel a été de 3,4% entre 1996 et 2008, ce qui correspond certes à la médiane dans l'ex-Union à 15, mais ce qui explique aussi pourquoi, maintenant, la France et l'Allemagne se retrouvent au même niveau.

Le poids des cotisations sociales varie

Dans les services marchands, le Danemark, la Belgique, la Suède et la France font partie en 2008 comme en 1996 des pays au coût de main d'?uvre élevé. Cependant, avec un taux de croissance annuel de 3,2% sur 12 ans, la France se situe en dessous de la médiane européenne.
Autre information, du fait des différences de niveau et de mode de financement de la protection sociale, la répartition du coût horaire entre salaires et traitements bruts, cotisations sociales à la charge de l'employeur et autres dépenses, est très variable en Europe. Mais, selon l'Insee, le taux des cotisations sociales employeurs n'apparaît pas comme un déterminant du coût horaire. A cet égard, la comparaison entre le Danemark et la Suède est très parlante. Ces deux pays ont un haut niveau de protection sociale très élevé. Mais au Danemark, l'essentiel du financement de la protection sociale passe par l'impôt sur le revenu. En Suède, ce sont les cotisations sociales. Cependant, au total, les coûts horaires de ces deux pays sont assez proches car au Danemark le salaire brut versé est beaucoup plus élevé (32,66 euros de l'heure) qu'en Suède (22,59 euro). A cet égard, en France, la part des cotisations sociales employeurs représentent 28% du coût horaire, contre 21% en Allemagne et 31% en Belgique.

Le coût social unitaire en baisse en France et en Allemagne

Reste la question de la compétitivité. L'Insee a donc tenu compte du coût salarial unitaire (CSU) qui mesure le coût moyen de la main d'?uvre par unité produite. Ce CSU est égal au ratio entre le coût total de la main d'?uvre et la production en volume. Or, dans l'industrie manufacturière, le coût salarial unitaire a diminué en France comme en Allemagne, de respectivement - 0,5% et -0,7% en moyenne annuelle sur 12 ans. En France, l'essentiel de la baisse s'est produite entre 1996 et 2000, soit au moment de la mise en place des 35 heures, en Allemagne, cette baisse est surtout concentrée sur la période 2002-2007 quand sont intervenues les réformes Schröder.

L'étude complète peut être consultée sur le site de l'Insee