La BCE prête davantage que prévu aux banques

Par Christèle Fradin  |   |  768  mots
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La demande des banques européennes pour la deuxième opération de refinancement à trois ans de l'histoire de la Banque centrale européenne (BCE) a atteint un record absolu : 529,5 milliards d'euros. Au total, 800 établissements se sont présentés au guichet de la BCE

La Banque centrale européenne a ouvert en grand ses guichets ce mercredi 29 février pour un nouvel octroi de liquidités à trois ans, une opération de tous les records. Le montant alloué, qui avait été l?objet de toutes les spéculations ces dernières semaines jusqu?à 1.000 milliards d?euros, est inédit pour une opération du genre : 529,5 milliards d?euros ont été servis. Le consensus des estimations ressortait en fin de semaine dernière à 470 milliards d?euros, pour des anticipations allant de 300 à 750 milliards. La précédente opération de refinancement à trois ans lancée le 21 décembre dernier avait été synonyme de prêts pour un montant de 489 milliards. Et le nombre d?établissements venus au guichet de la banque centrale est en forte augmentation : 800 banques servies contre 523 en décembre dernier, mais près de 1.100 lors de la première opération de liquidités à 1 an en juin 2009.

Un plus grand nombre de banques venues au guichet de la BCE

Faut-il y voir le signe d?un secteur bancaire encore affaibli ? Mario Draghi, le président de la BCE, a lutté ces dernières semaines pour que l?opération ne soit pas vue comme un tel signal pour les établissements candidats à l?obtention de ces liquidités. Surtout, la banque centrale a fait en sorte que de plus petits établissements puissent venir participer à l?opération. Et notamment pour certains pays dont le marché interbancaire serait grippé. De fait, les critères d?éligibilité pour les actifs acceptés en garantie de ces prêts ont été assouplis, sept banques centrales nationales sur les 17 ayant accepté de les prendre en charge. Au total, l?apport net de liquidités (une fois soustrait les montants qui ont pu être reportés d?autres opérations de refinancement à un et à trois mois arrivés à échéance) est estimé autour de 310 milliards d?euros. Un montant envisagé par les économistes.

La BCE, qui estimait début février avoir évité un credit crunch avec sa première opération à trois ans, souhaiterait maintenant voir les banques contribuer à la croissance économique européenne, en prêtant aux ménages et aux entreprises. Reste à savoir si les banques joueront le jeu. Les premières semaines de janvier avaient vu les banques parquer des montants record auprès de la facilité de dépôts à 24 heures (rémunérés à 0,25%) de la BCE. Mais pour Barclays Capital, ces montants ne sont pas un bon indicateur. Et de citer une lettre envoyée le 23 février dernier par Mario Draghi à l?eurodéputé Francisco Sosa Wagner.

Relancer le crédit en Europe

« Les montants importants qui ont été placés auprès de la facilité de dépôts de la BCE ne sont pas un indicateur significatif pour évaluer l?impact des opérations à trois ans sur le crédit fourni par les banques à l?économie. (?) Il est important pour la BCE de surveiller et d?analyser dans quelle mesure la liquidité fournie circule entre les banques. Et il y a des indications que c?est le cas dans une certaine mesure. Dans l?ensemble, les banques qui ont emprunté des liquidités auprès de la BCE ne sont pas les mêmes que celles qui utilisent la facilité de dépôts », avait écrit le banquier central.

Pour l?agence Fitch Ratings, cet effet positif attendu sur le marché du crédit pourrait malgré tout avoir quelques difficultés à se matérialiser, en raison de l?absence notable de demande en Europe.

Attention à la dépendance

Quoi qu?il en soit, l?intervention de la banque centrale a jusqu?alors permis de restaurer la confiance sur les marchés financiers. L?Espagne et l?Italie sont parvenues à se financer à des taux en très net recul en début d?année et les conditions se sont également détendues pour les émetteurs de dette privés (les sociétés). Sur le marché monétaire, les taux n?ont cessé de se détendre : l?Euribor trois mois, qui était encore à 1,41% le 21 décembre dernier, est passé sous le seuil de 1% lundi.

Mais attention, pas question d?habituer le secteur bancaire à de telles opérations. L'un des membres de la BCE, Ewald Notwotny, dans une interview au Times, a en effet indiqué qu?il « n?y aurait pas automatiquement de troisième round ». Pour certains économistes, cela posera des questions en matière de dépendance du secteur bancaire à la BCE, dont la vocation n?est d?être que prêteur en dernier ressort.