Les partisans d'une politique de relance gagnent du terrain en Europe

Par Ivan Best et Romaric Godin  |   |  744  mots
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Même le "Financial Times" réclame dans un éditorial une politique de relance. La preuve que François Hollande n'est pas isolé en Europe dans son exigence de croissance et que les lignes bougent. Doucement.

La finance est-elle vraiment l'ennemie de François Hollande ? En tous cas, elle ne lui tient pas nécessairement rigueur de ses attaques publiques contre le monde de la banque. Pour preuve, le principal éditorial de ce jour du "Financial Times" salue les prises de position en faveur d'un plan de croissance européen, émanant "d'un nombre de plus en plus grand de politiciens", dont, c'est le seul cité, le "probable futur président français François Hollande".

Relance de la demande

Au-delà de l'anecdote, l'édito du prestigieux quotidien britannique témoigne d'une évolution des esprits en Europe, dont on se félicite bien sûr dans l'entourage du candidat socialiste. Car, non seulement, le FT en appelle à un "agenda de croissance pour la zone euro", mais ne s'aligne pas sur les positions traditionnelles des libéraux, en faveur des seules réformes structurelles, sensées libérer les énergies et doper l'activité. Le journal dénonce les politiques d'austérité qui, minant les recettes fiscales, ne contribuent en rien au redressement des comptes publics (cas espagnol) ou empêchent de mener à bien, jusqu'au bout, des réformes structurelles (Italie) et préconise au contraire une relance par la demande. Une relance qui serait coordonnée: l'idée est que les pays comme l'Allemagne, qui affichent un excédent de leur balance des paiements courants, contribuent fortement à l'augmentation de la demande en Europe.

Cette politique de relance pourrait passer par des réformes fiscales structurelles, affirme le FT : alors que certains pays, tels que l'Espagne devraient moins taxer le travail, et plus la consommation, afin de gagner en compétitivité, l'Allemagne pourrait faire l'inverse, en taxant moins la consommation et un peu plus le travail. Cela reviendrait à relancer la consommation Outre Rhin et réévaluer le prix des produits allemands, en quelque sorte. Il va sans dire que cette prise de position du journal le plus lu par les financiers de la City ravit les socialistes français et donne plus de crédit à l'adversaire du président français sortant.

Engagements faibles des gouvernements

Il est vrai que les engagements de Nicolas Sarkozy et d'Angela Merkel en faveur de la croissance sont extrêmement ténus. Certes, la commission européenne souligne la nécessité d'une politique de croissance depuis déjà plusieurs mois. Mais alors que le nouveau traité budgétaire donne un moyen concret d'imposer la discipline budgétaire dans la zone euro, la politique de croissance en reste aux bonnes intentions. Lors du conseil européen des 1er et 2 mars, les dirigeants du Vieux continent ont certes accepté les "cinq priorités" de la Commission : assurer un "assainissement budgétaire différencié et axé sur la croissance", "rétablir les conditions normales d'octroi de crédit", "promouvoir la croissance et la compétitivité", "lutter contre le chômage", "moderniser l'administration publique".

On en reste donc aux déclarations vagues et de bonne volonté tout comme le reste le plan Europe 2020 de la Commission, qui doit améliorer la compétitivité et la croissance en Europe. Fin février, douze chefs d'Etats et de gouvernements de la zone euro, dont ceux du Royaume-Uni et de l'Italie, avait prôné un plan de réformes pour favoriser rapidement la croissance dans une lettre. Là aussi, ces intentions étaient restées lettre morte devant le refus de s'engager des gouvernements français et allemands.

Lueur

La seule lueur d'une politique de relance de la croissance est venu du récent accord salarial dans la fonction publique en Allemagne. Berlin y a soutenu une augmentation record des salaires de 6,3 % sur deux ans. Une volonté claire de soutenir la demande intérieure et donc de favoriser une vraie reprise par la consommation allemande de l'ensemble du continent. Les Allemands pourraient en effet consommer plus de produits des pays en crise ou visiter plus ces pays, ce qui, à son tour, favoriserait la croissance de ces pays et atténuerait les effets de l'austérité. Cette réflexion sur la croissance au niveau européen, si elle se confirmait et si les autres secteurs allemands suivaient, serait une première. Mais elle serait insuffisante. L'Allemagne, si elle veut être non pas seulement la championne de la croissance, mais la vraie locomotive économique de l'Europe, devra, comme el note le FT, moins taxer sa consommation. Outre-Rhin, on est encore loin de cette idée, y compris au sein du SPD. N'en déplaise à François Hollande.