C'est une Espagne plus compétitive qui entre en récession...

Par Gaëlle Lucas, à Madrid  |   |  527  mots
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La hausse de la productivité la plus élevée de la zone euro depuis 2008 et l'augmentation des exportations ne compensent pas un chômage pléthorique et une demande interne en berne.

L'entrée en récession de l'Espagne au premier trimestre 2012 n'a surpris personne. Avec un taux de chômage de près de 23%, un système financier qui ne joue plus son rôle de moteur de l'économie, un secteur immobilier en ruine, et des coûts du créditqui augmentent à mesure que croît la crise de la dette souveraine, l'Espagne ne partait pas avec les meilleures armes pour affronter la menace d'une détérioration globale de la situation économique. Ce tableau contraste avec celui mis en avant par un récent rapport de BBVA Research qui souligne l'augmentation de la compétitivité de l'économie espagnole depuis le début de la crise. Ainsi, les exportations ont crû de 9,5% depuis 2009 alors que les exportations françaises ont perdu 1% sur cette même période. De fait, alors que la demande interne espagnole est en berne depuis quatre ans, les exportations représentent désormais 30% du PIB.

Un paradoxe qui s'explique aisément

Comment expliquer alors que l'Espagne puisse afficher un tel dynamisme sur le plan international et en même temps plonger dans la récession ? « Il n'y a rien de paradoxal en cela. C'est la réaction typique d'une économie en crise : on baisse les coûts pour améliorer la compétitivité », explique Rafael Pampillón, économiste à l'IE Business School. De fait, depuis 2008, les coûts de la main d'?uvre ont baissé de 4,2%. « La récente réforme du marché du travail va renforcer cette tendance », estime Pampillón. Dans le même temps, la productivité par employé a grimpé de 11,1%. Mais cette dernière est pour une bonne part la conséquence mécanique de l'augmentation du taux de chômage, qui croît plus vite que ne baisse la production.

Certains analystes considèrent par ailleurs que la crise, sous l'impulsion d'un effet darwinien, n'a maintenu en vie que les entreprises les plus solides, soutenant ainsi la compétitivité. « L'Espagne est entrée dans la crise parce qu'elle avait parié sur des secteurs de faible intensité, comme la construction. Aujourd'hui, la hausse des exportations, notamment celle des biens d'équipement, ainsi que la meilleure productivité montrent que le niveau de connaissances et d'incorporation technologique est plus élevé », complète Pampillón.

Processus lent

Il n'empêche, l'Espagne se trouve "dans un moment d'extrême fragilité", d'après le ministre du Budget espagnol. Cristobal Montoro défendait mardi devant le Parlement la loi de finances de 2012 qui impose des économies de 27 milliards d'euros dans le but de faire passer son déficit public de 8,5% en 2011 à 5,3%. L'objectif est d'autant plus difficile à tenir que le Gouvernement prévoit une contraction de 1,7% du PIB et une hausse du taux de chômage jusqu'à 24,3% de la population active. Les ajustements des comptes publics pèseront également sur la reprise économique. Comme au premier trimestre, l'apport positif du secteur extérieur au PIB ne parviendra qu'à atténuer la chute globale de l'économie. « La compétitivité est un processus lent qui ne peut résoudre en soi la crise espagnole, car l'économie dépend beaucoup de la demande interne », avertit Pampillón.