L'Espagne va-t-elle tenir ?

Par Romaric Godin  |   |  669  mots
Mariano Rajoy, président du gouvernement espagnol, et Cristobal Montoro, ministre du Budget. Copyright AFP
Malgré une détente sur les marchés, les déclarations alarmistes du ministre du Budget espagnol rappellent que la situation du royaume demeure précaire. L'Espagne reste le ma illon faible de la zone euro.

« L?Espagne est dans un moment extrêmement délicat, dans un moment d?extrême fragilité ». Ce n?est pas un analyste quelconque ou un spéculateur qui parle ainsi, mais le ministre du Budget espagnol lui-même, Cristobal Montoro, qui s?exprimait devant les Cortès mardi. Le grand argentier du royaume venait y présenter son projet de budget 2012, « le plus austère de la démocratie », a-t-il prévenu, mais aussi « le plus réaliste », a-t-il ajouté. Il devait donc jouer la carte de la dramatisation pour faire accepter des mesures difficiles. « Le chemin doit être droit, il faut réduire le déficit », a martelé le ministre.

Détente précaire sur les taux

Les investisseurs n?ont du reste pas pris ces propos autrement que comme une man?uvre politique : le taux moyen de l?emprunt d?Etat du royaume à 10 ans a d'ailleurs reculé de 13 points de base mardi à 5,84 %. Mais la situation reste difficile pour Madrid qui a vendu près de 2 milliards d?euros de bons du trésor à 3 et 6 mois ce même jour à des taux deux fois plus élevés que lors de la dernière adjudication. Cristobal Montoro prévoit de ramener le déficit public des administrations espagnoles de 8,51 % du PIB à fin 2011 à 5,3 % en 2012, puis à 3 % en 2013. Un objectif ambitieux, mais nécessaire car, a indiqué le ministre, « la clé c?est le rétablissement de la confiance ». Or, cette confiance reste sujette à caution. Car trois facteurs inquiètent les marchés.

Le spectre de la récession

D?abord, la récession qui a été annoncée lundi par la Banque d?Espagne et qui rendra évidemment plus difficile la consolidation budgétaire. En mars, le déficit de l?Etat central s?est ainsi établi à 0,84 % du PIB, soit 19 points de base de plus qu?un an auparavant. Sur le premier trimestre de 2012, le déficit public général aura déjà atteint 1,85 % du PIB. Mais l'essentiel du dérapage s'expliquerait selon le ministre du Budget par les avances consenties aux collectivités locales.

La menace des collectivités locales et des banques

Car c'est là le grand problème du pays. Cristobal Montoro l?a d?ailleurs affirmé : « s?il y a des doutes sur l?Espagne, s?il y a des doutes sur son budget, ces doutes concernent particulièrement les régions et les municipalités ». Le gouvernement semble déterminé à imposer à ces collectivités une discipline de fer. Vendredi, un plan d?économie de 10 milliards d?euros sur le système de santé géré par les régions a été annoncé, notamment par une participation plus élevée des patients aux dépenses de soins. L?objectif est de réduire cette année de 2,94 % du PIB à 1,5 % du PIB le déficit des collectivités territoriales. Cristobal Montoro a prévenu : l?Etat central garantira cet objectif car c?est l?accès de l?Espagne aux marchés financiers qui en dépend. Mais le drame du pays, c?est que ses efforts ne semblent jamais suffisants. Ainsi, l?agence de notation Fitch a salué les mesures annoncées vendredi, tout en demandant aussitôt plus d?efforts encore. Dernière épée de Damoclès : les banques dont la situation inquiète. Et l?on s?imagine bien que, au regard de l?état de son budget, l?Etat espagnol ne pourra faire face à une recapitalisation de son secteur financier.

Des conséquences européennes

La perspective d?une demande d?aide européenne de l?Espagne demeure donc d?actualité. Or, une telle option mettrait en jeu l?accès du Royaume au marché. Dans ce cas, le refinancement du pays deviendrait problématique. Et le pare-feu européen FESF qui va se transformer en MES, ne pourra certainement pas faire face dans ce cas. La crise européenne atteindrait alors un niveau inédit. On n?en est pas encore là, mais le doute est loin d?avoir disparu.