Le « Pacte de croissance » fait son chemin à Bruxelles

Par Florence Autret, à Bruxelles  |   |  626  mots
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Les voix demandant un traitement spécifique - donc moins exigeant - aux dépenses publiques d'investissement dans le calcul de l'équilibre budgétaire reprennent de la vigueur... au point d'esquisser la ligne d'un futur compromis entre Paris et Berlin pour relancer l'activité en Europe.

Il aura suffi d'une phrase mercredi 25 avril de Mario Draghi sur le ?pacte de croissance? devant les députés européens pour qu'immédiatement les commentateurs pressés en fassent un ?hollandiste?. Prudent mais optimiste, le député européen PS Liem Hoang-Ngoc disait jeudi du président de la Banque centrale européenne : ?il sent que le changement électoral va avoir lieu, il laisse les portes ouvertes?.

Il ne fait pas de doute que le débat sur la croissance a plus avancé en quelques jours, depuis le premier tour de l'élection présidentielle français et la crise politique à La Haye, qu'au cours des derniers mois. Cette semaine, dans un entretien à La Tribune Hebdo à paraître, le commissaire européen Michel Barnier, qui fut ministre sous Nicolas Sarkozy, déclarait au sujet du traité pour la stabilité que le candidat socialiste à l'Elysée François Hollande refuse de ratifier en l'état : « il faut le respecter, le ratifier et le compléter par une initiative européenne de croissance ».

Quelle initiative de croissance ?

Toute la question est de savoir laquelle et si elle s'accompagnera d'un assouplissement des trajectoires de consolidation budgétaire définies à Vingt-Sept. Les avis divergent évidemment entre les tenants des réformes structurelles, héritiers des économistes de l'offre, et ceux qui jugent qu'à trop couper dans les dépenses publiques, on risque la panne, d'inspiration plus keynésienne. Dans un discours devant le patronat, le président du Conseil européen Herman van Rompuy s'est résolument placé dans le camp des premiers. Il a mis l'accent sur l'assouplissement du marché du travail, la libéralisation des marchés de services et la négociation de nouveaux accords de libre-échange.

"Bonnes" et "mauvaises" dépenses publiques

Mais le camp des seconds se sent renforcé par le retour du vieux débat sur les bonnes et les mauvaises dépenses publiques, qui a fait surface mercredi lors du débat entre Mario Draghi et les parlementaires européens. Et il a été porté ces jours derniers par le président du Conseil italien, Mario Monti, qui a plaidé pour « un traitement approprié des investissements dans les budgets internes des Etats »... « qui ne soit pas une façon d'éluder la discipline fiscale », mais de la rendre possible, au contraire.

Idée ancienne

Les deux Mario, vétérans de la construction européenne, sont bien placés pour savoir que ce débat est ancien. Comme l'a rappelé le président de la Banque centrale européenne, il a eu lieu une première fois après la signature du traité de Maastricht. Il a ressurgi en 1997, lorsqu'il s'est agi de mettre sur pied le fameux « pacte de stabilité et de croissance » qui a tant inspiré les récentes réformes. Il était porté à l'époque par un certain Mario Monti. A l'époque commissaire européen, ce dernier voulait inscrire dans le traité d'Amsterdam une règle d'or, mais différente de celle promue récemment par Berlin. Une règle d'or où les dépenses d'investissement publiques ne seraient pas prises en compte dans l'appréciation de la soutenabilité de la dette.

Un protocole au traité ?

Ce débat va donc rapidement déborder du champ académique tant il est évidemment qu'il peut fournir la clé du dilemme « hollandais ». En modifiant les principes de calcul de la dépense publique, on s'autorise à respecter la règle d'or et la trajectoire de consolidation budgétaire, tout en laissant possible une politique d'investissement public. A Bruxelles on évoque déjà un protocole au fameux traité sur la stabilité financière qui permettrait de préciser dans une acception plus « montienne » que « merkelienne » la fameuse règle d'or.