L'Europe peut-elle encore faire un "bond" ?

Par Florence Autret, à Bruxelles  |   |  683  mots
Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, recevra les chefs d'Etat et de gouvernement mercredi pour un dîner informel à Bruxelles /Copyright AFP
Pour contourner l'opposition allemande à la mise en place d'eurobonds pour financer les dettes souveraines, des solutions alternatives plus ou moins publiques sont à l'étude. Le sujet n'est pas officiellement à l'ordre du jour du Conseil européen qui se tient aujourd'hui mais il y a fort à parier qu'il fera l'objet de discussions.

Rarement sommet européen aura connu un ordre du jour aussi en creux que celui qui se tiendra mercredi soir à Bruxelles. Mardi, lors de son traditionnel briefing le chef de cabinet d?Herman van Rompuy n?en finissait pas d?égrener la liste des sujets que le président du Conseil recommandait d?aborder dans sa lettre aux chefs d?Etat et de gouvernement des Vingt-Sept qui se réunissent mercredi soir à Bruxelles : brevet européen, programme d?infrastructures, mobilité de la main d??uvre, etc. Tout y est passé sauf le sujet qui s?avère de plus en plus central dans le débat européen : des garanties croisées entre pays européens pour écarter multiples risques de contagion en train de miner la zone euro, en un mot, les eurobonds.

Toujours tabou à Berlin

Le sujet est aussi ancien que l?union monétaire elle-même. Mais depuis quelques mois, s?il reste un tabou dans les milieux de gouvernement à Berlin, il a fait des progrès sensibles ailleurs en Europe et dans les cercles académiques. Bien avant la mutualisation complète, sur le modèle américain, des plus de 4.500 milliards d?euros de dette souveraine des pays de l?eurozone, plusieurs pistes sont à l?étude.

Une des plus originales est portée par le président, sur le départ, de CNP Assurance, Edmond Alphandéry. L?ancien ministre des Finances, qui pilote un discret mais influent cercle de réflexion, l?Euro 50 Group, promeut un projet de « panier d?obligations souveraines », sur le modèle du panier de devises qui a préludé au lancement de la monnaie unique.

"Eurogovies"

C?est l?option la plus light et la plus faisable à court terme qui permettrait, selon lui, de stopper la renationalisation accélérée des portefeuilles de souverains des investisseurs et de resserrer les écarts de taux ("spreads") entre pays européens. Pour lui, ces « eurogovies » pourraient être un produit attrayant pour des investisseurs qui veulent continuer à parier sur l?eurozone et diversifier leur risque souverain. Natixis et quelques autres ont un ?il sur le projet et seraient prêts à se lancer? sous réserve que les autorités publiques créent une incitation à investir dans un tel paquet, en limitant le montant en capital demandé aux banques pour détenir de tels actifs par rapport à des obligations purement nationales.

Les T-bills européens

Autre idée qui, elle, a la faveur de l?économiste en chef du FMI : les T-bills européens. Il s?agirait de mutualiser une partie seulement du marché de la dette, celle à court terme, pour un volume de « seulement » quelques centaines de milliards d?euros. Ici, en revanche, on aurait bien affaire à des émissions communes mais sur des produits relativement plus standardisés que les obligations de long terme. Le projet est soutenu par une association d?économiste, ELEC, et quelques économistes ou financiers influents comme le Français René Karsenti.

Enfin, l?idée de Pacte de rédemption présentée fin 2011 par le GCEE, un groupe d?économistes allemands de toutes sensibilités, suit son chemin. Elle consiste à placer dans un fonds paneuropéen la partie de la dette des pays de l?eurozone excédant les 60% du PIB et de l?amortir sur une période de 20 à 25 ans. Le gouvernement allemand ne l?a pas reprise à son compte. Mais l?opposition sociale-démocrate plaide pour, d?autant qu?elle serait compatible avec la stricte doctrine de la Cour constitutionnelle allemande qui a marqué dans le passé son opposition à la mutualisation des dettes. Le centre de recherche Bruegel, à Bruxelles, travaille aussi sur un tel projet.

Bruxelles évoque une "feuille de route"

Les pistes ne manquent donc pas. Mardi, OIli Rehn, le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, a même eu l?audace, compte tenu du blocage allemand, de parler d?une « feuille de route » en vue d?émissions de dettes communes à moyen ou long terme, selon l?agence Reuters. De là à oser aborder le sujet mercredi soir à Vingt-Sept, il y a un pas.