La Pologne, championne d'Europe... de la croissance

Par Romaric Godin  |   |  801  mots
Varsovie. Copyright AFP
La Pologne connaît une croissance vigoureuse grâce à une consommation des ménages à toute épreuve. Mais les nuages s'amoncellent à l'horizon. L'après-Euro 2012 pourrait être difficile.

Pour la première fois, un championnat d'Europe des Nations de football aura lieu à l'est de l'ancien rideau de fer. Pour la Pologne, c'est aussi la consécration d'une remarquable évolution économique. Le pays affiche, depuis plusieurs années, une économie des plus robustes. Au point qu'elle a été la seule au sein de l'Union européenne à résister à la bourrasque de la faillite de Lehman Brothers fin 2008. L'année suivante, alors que le puissant voisin allemand voyait son économie s'effondrer de 5 %, la Pologne parvenait à maintenir une croissance de 1,6 %.

Croissance vigoureuse

Avec la reprise de 2010 et 2011, l'économie polonaise est, à nouveau, en pleine croissance. Certes, le rythme de croissance n'atteint plus les 5 % à 6 % d'avant la crise, mais il a de quoi faire pâlir d'envie les responsables économiques d'Europe occidentales. Au point qu'avec 4,3 % en 2011, la Pologne peut prétendre au titre de champion de la croissance de l'Union européenne, si toutefois on exclut les trois pays baltes. Un titre qu'elle a conservé au premier trimestre avec une hausse du PIB de 0,8 % au cours des trois premiers mois de l'année. Pour mémoire, la France a vu son PIB stagner sur la même période.

La demande intérieure, pilier de la croissance

Cette vigueur, qualifié par la commission européenne elle-même de « performance impressionnante » (https://ec.europa.eu/economy_finance/eu/forecasts/2012_spring/pl_en.pdf), s'explique d'abord par une demande intérieure très robuste. Cette composante a apporté 3,3 points de PIB à la croissance 2011, soit 77 % de la croissance. C'est en grande partie la clé du succès du pays pour absorber les chocs extérieurs. La consommation des ménages est un pilier de la croissance polonaise. En 2010 et 2011, elle a progressé de 3,2 % et 3,1 % respectivement. En 2009, elle a, malgré la crise mondiale, affiché une hausse de 2 %. La Pologne est certes un pays exportateur, mais à la différence de nombre de pays de l'ancien bloc de l'est, elle ne s'est jamais perçue comme un simple « atelier » de l'Europe occidental. Grâce à sa forte population de 38,5 millions d'habitants, elle a su développer son marché intérieur et en recueille aujourd'hui les fruits. Un développement d'autant plus remarquable que, à la différence de pays comme la Roumanie et la Hongrie, l'endettement privé et public est demeuré sous contrôle à respectivement 74 % et 55 % du PIB.

Une croissance peu créatrice d'emplois

La croissance polonaise apparaît donc plutôt saine. Il convient cependant de ne pas oublier que les fonds structurels européens et, dans le cas de 2011, les 23 milliards d'euros d'investissements liés à l'euro 2012, ont également dopé l'économie. Surtout, cette croissance n'est pas encore suffisamment créatrice d'emploi. Le taux de chômage au sens du BIT reste proche de 10 % : une grande partie de la population active a toujours du mal à s'intégrer dans les nouvelles structures économiques du pays.

Risques pour 2012

2012 s'annonce moins brillante. Tous les économistes prévoient un ralentissement. La Commission table sur une croissance de 2 %, la banque allemande Helaba sur 2,7 %. On reste, en tout cas, largement au-dessus des moyennes européennes. Mais les risques se multiplient. La conjoncture mondiale et européenne va ralentir les exportations et, sans doute, les investissements, qui seront aussi affectés par la baisse des investissements directs étrangers. Quant à la consommation, elle pourrait être affecté par la forte appréciation du franc suisse, devise dans laquelle sont contractés de nombreux crédits immobiliers, pourrait affecté les dépenses des ménages, même si le pays a pris des précautions pour empêcher le développement d'un scénario à la hongroise. Enfin, le gouvernement est entré dans une phase de rigueur budgétaire. Varsovie avait beaucoup dépensé en 2009 pour éviter le contrecoup de la crise. Le déficit budgétaire avait grimpé à 8 % du PIB. Il est redescendu à 5 %, mais le premier ministre Donald Tusk entend revenir à 3 % dès cette année. Il a pris pour cela des mesures vigoureuses pour faire des économies, notamment le report de l'âge de départ à la retraite de 60 à 67 ans. Enfin, il ne faut pas compter trouver un recours auprès de la banque centrale, la Banque Nationale a début mai remonté son taux directeur d'un quart de point à 4,75 % malgré le ralentissement économique pour tenter de juguler une inflation qui se maintient au-dessus des 3,5 % qu'elle tolère. L'an passé, les prix à la consommation polonais ont progressé de 4,2%.

Pas d'euros à l'euro

Malgré ces lourds nuages qui s'amoncellent, la Pologne devrait demeurer dans le peloton de tête de la croissance européenne. Une situation qui ne devrait cependant pas l'inciter à entrer rapidement dans la zone euro. Désormais, cet objectif - toujours officiellement maintenu - est repoussé aux calendes... grecques par le gouvernement. En Pologne, on préfère l'euro de football à l'euro monétaire.

 

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