Bataille de l'or dans le nord de la Grèce

Par Elisa Perrigueur, à Ierissos (Chalcidique)  |   |  711  mots
Le site de Skouries. Copyright Stefania Mizara, pour La Tribune
Pour combler une partie de sa dette, le gouvernement grec a autorisé l'entreprise canadienne Eldorado Gold à exploiter la mine d'or de Skouriès dans la péninsule de Chalcidique, au nord du pays. Les défenseurs de l'environnement sont révoltés.

En Chalcidique, les montagnes vertes du site de Skouriès dominent la mer azur. Ce coin de nature paisible est toutefois le théâtre d'un violent conflit. Fin juillet, l'entreprise minière Eldorado Gold a été autorisée à exploiter l'espace. Aux yeux de plusieurs centaines de riverains, Skouriès, la « terre d'Aristote » est bien plus précieuse que les gisements d'or, de zinc, de plomb et d'argent présents dans le sol. Ils dénoncent un danger pour l'écosystème et veulent bloquer l'activité minière. « Notre mouvement prend de l'ampleur, la population devient hors de contrôle, prévient Annie, une activiste, nous nous battrons jusqu'au bout.» Le 5 août dernier, la contestation est montée d'un cran entre manifestants et forces de l'ordre. Katerina Igglezi, une députée de Syriza (coalition de gauche radicale), reste choquée :« on a tiré des balles de caoutchouc sur la foule». Depuis, des barrages, barbelés et des cordons de police anti-émeutes ont été installés en catastrophe sur les hauteurs.« Nous ne pouvons même plus entrer sur le site, s'énerve Xanis, minéralogiste dans la région, une quinzaine de policiers bloquent notre montagne.»


Des créations d'emplois bénéfique


Le 26 juillet dernier, le Conseil d'Etat Grec, convaincu par les gains de l'extraction minière, autorise Elodrado Gold à exploiter les mines de Skouriès. Le site minier, qui emploie déjà plus de 300 employés, devrait créer 1.500 à 2.000 emplois d'ici dix ans. L'entreprise canadienne annonce l'extraction de 50.000 onces d'or (1,5 tonne) par an jusqu'en 2015. Une extension du site portera la production à 170.000 onces (5,3 tonnes) par an dès 2018. Eldorado Gold est déjà bien implantée en Grèce. Elle possède des permis d'exploitation pour les sites de Perama (en Thrace) et Olympias (également en Chalcidique). L'ensemble des trois réserves atteignent au total 8,37 millions d'onces d'or (260 tonnes), selon l'entreprise.


Un combat écologique « ruiné par la crise »


Depuis 30 ans, des centaines de Grecs s'opposent à l'extraction minière du site de Skouriès. « C'est un patrimoine naturel vieux de 2500 ans, ici tout est classé « Natura 2000 » exceptée cette zone »,s'attriste Dimitris, un activiste. «Sous prétexte que l'économie va mal, on autorise des activités nocives.»


En 2002, au terme de protestations locales, le Conseil d'Etat grec interdit en effet l'exploitation du terrain, sous motif qu'il représente « un danger imminent » pour l'environnement. En 2003, les mines sont néanmoins cédées à European Goldfields (rachetée depuis par Eldorado Gold). « Un coup dur, se souvient Dimitris, nous étions soulagés et notre combat a été anéanti par cette décision. » En 2011, l'Europe a par ailleurs condamné la Grèce pour la vente de Skouriès. Avec cette transaction « sans appel d'offres et à un prix sous-évalué », le pays est soupçonné brader ses richesses.


« Etudes falsifiées » ?


« L'entreprise Eldorado Gold veut réaliser une mine à ciel ouvert mais aussi creuser dans le sol, de 300 à 700 mètres de profondeur pour trouver 0,18 grammes d'or par tonne de terre», détaille la militante Annie. Son collègue Thanasis renchérit : « Avec cette exploitation, nous atteindrons le même niveau de pollution atmosphérique que la ville de Thessalonique (la deuxième du pays), de l'arsenic (composante des roches) sera diffusé en grande quantité dans l'air.» Les manifestants, qui s'appuient sur une récente étude de l'Université de Thessalonique, affirment que « les données sont falsifiées» par Eldorado Gold.« Ils avancent des chiffres de pollution en deçà de ce qui va réellement se produire », conclut Thanasis.
Manifestations à venir


De son côté Eldorado Gold prétend respecter les normes environnementales et assure que ses activités sont "très bonnes pour l'économie grecque". « Derrière tout ça, il y a un soutien politique important, explique, amer, Dimitris, comme le maire de la ville d'Aristoteles, Christos Pachtas. » Secrétaire d'Etat socialiste à l'Economie en 2003, le politicien a été impliqué dans la vente des mines de Chalcidique à Eldorado Gold. Ce dernier a quitté le gouvernement après des soupçons de corruption dans une autre affaire. « Il assure que toutes les activités peuvent cohabiter», rapporte Dimitris. Fin août, les manifestants reprendront leur lutte. « Nous prévoyons une opération coup de poing pour la rentrée parlementaire», annonce Dimitris.