28 milliards d'euros de fraude fiscale en Grèce

Par Robert Jules  |   |  449  mots
Des consommateurs attendent devant la compagnie d'électricité grecque pour demander à ce que le courant ne soit pas coupé à leur domicile. A la fin de l'année dernière, le gouvernement de Lucas Papademos voulait établir une taxe spéciale en fonction de la consommation électrique pour lutter contre l'évasion fiscale. Copyright Reuters
28 milliards d'euros, c'est le montant de la fraude fiscale en Grèce en 2009, selon trois chercheurs. Pour cette année-là, cela représentait 31% du déficit public. Ce sont surtout les professions libérales qui sont impliquées.

On savait que l'évasion fiscale était un sport national en Grèce, pratiqué surtout par les professions libérales, et du moins avant 2010, lorsqu'ont été appliqués les plans de rigueur en échange de l'aide financière de l'Europe et du Fonds monétaire international (FMI).

La gageure était de fournir une estimation tant les données sont difficiles à établir. Trois chercheurs - Nikolaos T. Artavanis de l'Institut polytechnique de Virgnie, Adair Morse et Margarita Tsoutsoura de l'Université de Chicago - sont arrivés dans la conclusion de leur étude intitulée "Tax Evasion Across Industries: Soft Credit Evidence from Greece" au chiffre de 28 milliards d'euros pour l'année 2009.

Pour établir leur estimation, les trois chercheurs ont pris les données des clients d'une grande banque grecque, en particulier l'utilisation de la carte de crédit et les emprunts qu'ils ont contractés entre 2003 et 2010. Premier enseignement, les montants empruntés, notamment par les clients relevant de professions libérales, n'ont que peu de rapport avec le niveau des revenus déclarés. En moyenne, les chercheurs constatent que les remboursements de crédits correspondent en moyenne à 82% de leurs revenus déclarés. Encore plus remarquable, avocats et médecins consacrent plus de 100% de leurs revenus à rembourser leurs prêts.

Une telle anomalie ne semble avoir ému personne. En se basant sur ces résultats, les chercheurs ont établi un modèle pour faire une projection au niveau national, en particulier en considérant l'hypothèse qu'un tiers des revenus est consacré aux remboursements des emprunts. C'est ainsi qu'ils arrivent au chiffre de 26 milliards d'euros en 2009, ce qui représentait 31% du déficit public.

L'un des problèmes qu'aura mis au jour, du moins pour les autres Européens, la crise est que la fraude fiscale, normalement considérée comme une faute est dans la république hellénique la norme.

L'intérêt de l'étude est de se pencher sur les catégories socio-professionnelles qui sont les plus actives dans la fraude : ce sont majoritairement les professions libérales : médecins, ingénieurs, comptables, avocats, professeurs particuliers.... En revanche, dans les secteurs qui nécessitent l'achat de biens intermédiaires pour leurs activités, induisant une traçabilité, la fraude est évidemment plus faible.

Enfin, un autre enseignement de l'étude est d'établir également que si les professions libérales fraudent sans être beaucoup inquiétées, c'est que leur corps fournit en large partie le personnel politique grec. Ce qui, selon les auteurs, pourrait expliquer que la lutte contre la fraude fiscale en Grèce est restée durant de longues années une vue de l'esprit, en vertu d'un clientélisme "normal".