Avec la crise, les Grecs reviennent au bois de chauffage... qui flambe

Par Angelique Kourounis, à Athènes  |   |  716  mots
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Avec la remontée annoncée des prix de l'électricité, de plus en plus de Grecs se demandent comment ils vont se chauffer cet hiver. Ils sont déjà nombreux à revenir... au bon vieux bois ! Les coupes illégales se multiplient dans les forêts du pays et les associations environnementales craignent leurs effets sur l'écosystème. Les associations de consommateurs dénoncent, elles, les méthodes des nouveaux « cartels » du bois de chauffage....

On est en plein mois de novembre et il fait encore beau en Grèce. Une chance pour tous ceux qui se demandent comment ils vont se chauffer cet hiver. Jason, 20 ans, ne se pose plus la question. Cela fait trois ans que son immeuble dans le centre d'Athènes n'est plus chauffé. « Plus personne ne peut se payer le fuel, dit-il, on se débrouille avec des couettes, de gros pull et des chauffages au gaz ». Dans l'attente des prochaines augmentations de l'électricité, d'autres, comme Irini Kondaridou et sa famille, se chauffent avec des appareils d'air conditionné. « Mais à partir de janvier ou les prix vont changer, on parle d'une augmentation de 40%, on ne sait pas comment on va faire, dit-elle. Peut-être faudra-t-il nous regrouper tous dans une pièce le soir pour n'utiliser qu'un seul appareil. »

L'Iran, seul pays qui prend le risque de livrer du pétrole à la Grèce

Si les citoyens ne peuvent plus s'approvisionner, l'Etat a de plus en plus de mal à le faire lui aussi. La Grèce importe entre 30 et 40% de son pétrole via l'Iran et il est peu probable, malgré les pressions de l'Union Européenne et de Washington, qu'elle arrête cet approvisionnement au nom de l'embargo décrété cet hiver contre Téhéran. D'autant que l'Iran est le seul pays exportateur de pétrole qui fait encore confiance à la Grèce sur sa capacité de paiement, « il n y a jamais eu de défaut de paiement, souligne un fonctionnaire grec, mais c'est juste le risque qui effraie les fournisseurs. Ils traitent difficilement avec nous. » Depuis plusieurs mois, les quatre raffineries grecques ne travaillent plus qu'avec l'Iran qui "ne prend aucun risque, souligne ce même fonctionnaire, tout est réglé rubis sur l'ongle. » Il est possible qu'Athènes doive un jour renvoyer l'ascenseur. Par un soutien de nature politique ?

Les forêts font les frais de la crise

En attendant, les Grecs qui ne peuvent plus payer leur facture de chauffage se tournent vers... le bon vieux bois ! Et c'est l'environnement qui en prend un sacré coup. La demande a augmenté de 30% et les scies électriques n'arrêtent pas, de jour comme de nuit. « Les braconniers viennent avec de gros camions remorques et coupent tout ce qu'il peuvent, explique le garde forestier de Kilkis dans le nord du pays, Eftimios Politidis. Ils n'ont peur de rien ils savent que nous sommes en sous-effectifs. »

Pour la section grecque de WWF ce qui se passe en ce moment dans les forêts et montagnes du pays est " une véritable catastrophe, que le pays va payer très cher dans quelques années ". De fait, selon Fotis Kiourtis, de la direction des forêts de la Thrace et la Macédoine, « la situation est catastrophique autour de Airidia (Nord-Est), mais pas seulement. A Kalamata dans le Péloponnèse, les gardes-forestiers ont pu intercepter un camion qui transportait 25 tonnes de bois. Le tribunal a innocenté les braconniers faute de preuves ».

Pour Gabriel Ksantopoulos, environnementaliste, ces coupes illégales « concernent des arbres centenaires. Elles vont favoriser les inondations, et détruire tous les écosystèmes existants ». En 2011, 6.644 tonnes de bois ont été saisies. Le ministère de l'Environnement a crée un numéro d'urgence, le 1591, pour dénoncer les braconniers mais, dans un même temps, il fait adopter une loi au Parlement qui assimile les coupes illégales de bois a un simple délit mineur.

Les associations environnementales crient au scandale. De leur coté, les associations de consommateurs dénoncent, elles, les « véritables cartels » du bois qui se sont mis en place. Alors que les prix étaient de 60 à 65 euros la tonne de bois, actuellement elle est passée à presque 200 euros à Athènes et 150 à 160 à Thessalonique. Un cartel transfrontalier puisque la Bulgarie y participe. L'année dernière, la tonne de bois bulgare coutait 70 euros, cette année elle est passée à 120 euros. Pour beaucoup de Grecs, notamment ceux des villages isolés, c'est encore trop cher. Alors ils vont eux-mêmes, tout aussi illégalement, couper leur bois à la hache. Pour ne pas se faire repérer par les gardes forestiers, ils remplacent les voitures par des ânes ou des mulets. Comme dans la Grèce des années cinquante...