Beppe Grillo, un comique poujadiste devenu arbitre de la politique italienne

Par latribune.fr  |   |  698  mots
Beppe Grillo lors d'une de ses réunions publiques à Turin dans le nord de l'Italie - Copyright Reuters
Beppe Grillo, l'ancien comique, a surpris son monde en réunissant un quart des électeurs italiens sur son nom. Entre provocations et prises de positions radicales, celui qui se réclame du peuple pose question. Revue du parcours et de la méthode du nouveau troisième homme de la politique italienne.

Beppe Grillo est un comique, mais il n'est pas sûr que son humour fasse beaucoup rire les hommes politiques traditionnels italiens et les milieux européens. Donné à 15% des intentions de vote dans les sondages, le trublion de la scène politique transalpine a surpris son monde lundi en réunissant près d'un quart des votants sur son nom. Revue du parcours et de la méthode d'un outsider devenu le troisième homme et arbitre de cette élection italienne.

Le comique provocateur devenu blogueur

Dans les années 1970, Beppe Grillo se fait un nom à la télévision italienne. Dans les années 1980, il apparaît même à l'affiche de films italiens. L'humoriste aux piques féroces et qualifié par certains de Coluche italien rencontre un succès important et devient millionnaire. Cette manne lui servira plus tard à financer ses activités politiques. A la fin des années 1980, il est renvoyé de la RAI et interdit de télévision sous le gouvernement socialiste de Bettino Craxi. Il animera finalement plusieurs shows dans les années suivantes, mais de manière plus discrète.

Beppe Grillo revient sur le devant de la scène en 2005 grâce à son blog devenu rapidement le plus consulté d'Italie, dans lequel il s'adonne à une critique acerbe de la classe politique italienne et européenne. Ce blog lui a valu la même année le prix du héros européen de l'année du Times. Il lui a été inspiré par le communicant Gianroberto Casaleggio, spécialisé dans la communication sur internet.

Un "Vaffanculo" à la classe politique

En 2007, porté par son succès sur la toile, l'ancien comique organise le "Vaffanculo Day" (littéralement "journée du va te faire foutre"), au cours duquel il réunit 50.000 manifestants contre le monde politique qu'il considère comme corrompu et incompétent.

Devenu blogueur, il franchit le pas de la politique en 2010, lorsqu'il fonde le MoVimento Cinque Stelle, avec la lettre "V" en capitale pour rappeler le "Vaffanculo Day" et le chiffre cinq en latin, avec Gianroberto Casaleggio, devenu son conseiller et mentor. Le principe est simple : contact direct avec les citoyens, fin de la république des partis et dénonciation de la corruption. De quoi séduire.

La polémique sur sa proximité idéologique avec les néo-fascistes

Mais sur le plan des idées, le mouvement est difficile à classer. Entre sortie de l'euro, interdiction des "boîtes" chinoises à la Bourse, refus des nouveaux droits accordés aux nouveaux italiens et migrants, celui qui se dit au service direct des électeurs interpelle.

"Le temps des idéologies est fini. Le mouvement cinq étoiles n'est ni de droite ni de gauche. Il est au dessus et va au-delà de toute tentative de ghettoïsation (...) de notre parole," s'est défendu Beppe Grillo après avoir été filmé en pleine discussion avec des militants de Casa Pound, un mouvement néo-fasciste.

>> VIDEO Beppe Grillo est ouvert aux électeurs néo-fascistes (en italien)

 

Dans cette vidéo prise par le Corriere della sera, Beppe Grillo compare ses points de vue avec un militant de Casa Pound. A la fin, il conclut : "je suis tout simplement en train de parler avec un militant du mouvement cinq étoiles".

Personnalisation du pouvoir et proximité

Sur le plan de la méthode, Beppe Grillo pratique la politique de proximité. Ainsi a-t-il lancé sa campagne, appelée sobrement "Tsunami Tour", en traversant à la nage le détroit de Messine qui sépare l'Italie de la Sicile et mené une campagne de terrain, région après région, sans jamais s'appuyer sur les 200 candidats issus de la société civile de son mouvement. Sans être lui-même candidat (il a été déclaré inéligible par la justice italienne), il est le seul représentant dans les médias du mouvement cinq étoiles.

De quoi rappeler la méthode du super-médiatique Silvio Berlusconi, qui a mené campagne seul du début à la fin. D'autant que le Gênois n'est pas à une exagération près. Lors d'un meeting, il est allé jusqu'à demander à Al-Qaïda de bombarder Rome et ses politiciens corrompus.