Chypre : le « plan B » est déjà mort, la taxe sur les dépôts revient !

Par latribune.fr  |   |  873  mots
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Le refus de l'Allemagne d'accepter le plan préparé par Nicosie met fin au plan alternatif chypriote. La taxe sur les dépôts pourrait redevenir d'actualité, tandis que Chypre et les Européens tentent chacun un bluff dangereux.

« Ce jour va décider du destin de Chypre et de son maintien ou non dans la zone euro. » C'est avec ces mots forts que le président de la banque centrale de Chypre (BCC), Panikos Demetriades, a mis en garde ses concitoyens sur une chaîne de télévision locale ce vendredi matin. Alors que la petite république doit trouver un moyen de financer par elle-même 5,8 milliards d'euros de son plan « de sauvetage » avant lundi, date ultime fixée par la BCE, Européens et Chypriotes semblent jouer une partie de poker à haut risque.

Mort du plan B

Un élément semblait certain cependant : le « plan B » mis au point jeudi soir par le gouvernement chypriote est mort-né. La chancelière allemande Angela Merkel a jugé « inacceptable » la mobilisation du fonds des retraites dans le cadre de ce plan. Or, c'était le pilier central de ce plan B puisqu'il devait fournir 2,5 milliards d'euros. La chancelière a également prévenu Chypre qu'il ne fallait « pas abuser de la patience des partenaires de la zone euro» , lors d'une réunion avec le groupe parlementaire des libéraux du FDP.

Par ailleurs, les ministres des Finances de la zone euro avaient déjà dans la nuit de jeudi à vendredi exprimé leur scepticisme sur le « fonds de solidarité » qui devait permettre de lever de l'argent garanti par le produit des privatisations. Autrement dit, l'ensemble des éléments de ce plan B s'effondre comme un château de cartes. Selon le quotidien grec Kathimerini, le président chypriote Nikos Anastasiades aurait abandonné ce plan après une discussion avec la troïka. Et la réunion du parlement chypriote qui devait s'exprimer ce vendredi sur ce plan B a été reportée.

Retour de la taxe bancaire...

Voici donc Chypre à nouveau sans solutions. Selon plusieurs médias chypriotes et internationaux, la taxe sur les dépôts, abandonnée par Nicosie après le rejet du plan « A » par le parlement mardi soir, reviendrait sur la table. Reste à savoir dans quelles conditions. Il semble difficile de la faire porter sur les dépôts de moins de 100.000 euros, qui représentent 46 % du total. Pour lever 5,8 milliards d'euros sur les dépôts supérieurs à cette somme, il faudrait que le taux soit de 15,7 %. Une proposition en ce sens a été faite par le président de la première banque du pays, la Bank of Cyprus, Andreas Artemis, qui a appelé les députés à accepter cette solution. Comme la Russie a refusé toute aide, Nicosie et les Européens pourraient y voir un feu vert pour frapper les dépôts élevés des ressortissants de l'ex-URSS.

... sauf pour les filiales chypriotes en Grèce

A noter que les avoirs bancaires déposés en Grèce sur des comptes de banques chypriotes ne pourront être concernés par la taxe bancaire. Chypre vient en effet de conclure un accord avec la Grèce portant sur la reprise des filiales grecques des banques chypriotes. « Après des discussions entre le président de Chypre Nicos Anastasiades et le Premier ministre grec Antonis Samaris, il a été confirmé que la question de la scission des agences grecques des banques chypriotes a été réglée en des termes les plus favorables possibles étant donné les circonstances actuelles, avec un bénéfice substantiel pour le côté chypriote», indique un communiqué de la présidence chypriote publié ce vendredi. Le processesus de transfert des filiales grecques des banques chypriotes vers un regroupement bancaire grec est déjà entamé.

Restructurer la dette publique

Vendredi en début d'après-midi, il était envisagé une restructuration de la dette publique chypriote. Une mesure qui pourrait venir en complément mais ne serait certainement pas une solution suffisante. Précisément, les détenteurs d'obligations publiques verraient la valeur de leurs avoir abaissée de 5 à 7%. Un moyen d'économiser environ 1 milliards d'euros pour Chypre. Mais comme une large part de ces obligations sont détenus par les banques chypriotes elles-mêmes, la mesure ne serait pas suffisante. Il n'y a pas assez de détenteurs privés de la dette chypriote. Chypre doit trouver d'ici lundi 7 milliards d'euros, condition au déblocage par la troïka d'une aide de 10 milliards qui lui éviterait la faillite.

Poker

Reste que les Européens mettent la pression sur Chypre en semblant se désintéresser du sort de l'île. Wolfgang Schäuble, le ministre des Finances allemand, a indiqué ne pas savoir si une réunion de l'Eurogroupe était prévue ce week-end. Ce qui est étonnant, car il faut son blanc-seing à un plan C pour le faire ensuite valider par le parlement de Nicosie. Il semble que les deux parties, Européens et Chypriotes, jouent une partie de poker à haut risque : d'un côté Nicosie agite la menace d'une sortie de la zone euro catastrophique pour Chypre, mais qui serait un précédent pour la zone euro, de l'autre les Européens feignent de ne pas s'en soucier et insistent sur la taxe sur les dépôts. L'avenir de Chypre dépend du résultat de ce bras de fer.

Mis à jour le 22 mars à 14h59