Le sauvetage chypriote n'est pas un modèle mais... une source d'inspiration

Par Jessica Dubois  |   |  618  mots
La banque Laïki, à Nicosie, Copyright Reuters
Après les propos, corrigés, du président de l'Eurogroupe lundi, les responsables européens s'efforcent de rassurer : le plan de sauvetage de Chypre ne servira pas de modèle. Mais cela n'empêche pas plusieurs responsables officiels de réclamer de ne plus payer pour les banques. Et dans les faits, de nombreuses mesures sont en chemin pour que les contribuables cessent de payer.

"Non, le plan de sauvetage de Chypre n'est pas un modèle." "Oui, Chypre est un cas particulier." Mardi, de nombreux responsables européens tentaient de faire baisser la tension. Car lundi, le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem avait effrayé les marchés, en déclarant qu'il fallait éviter de "reporter sur les épaules du public" le coût du sauvetage des banques... En clair : faire payer le secteur financier. Et donc reproduire le plan chypriote aux éventuels prochains pays à demander une aide européenne.

Dans la nuit de dimanche à lundi, les ministres des Finances de la zone euro ont validé l'aide de 10 milliards d'euros à Chypre. En échange, les dépôts des deux banques ayant besoin d'être recapitalisées seront gelés au delà de 100.000 euros et reconvertis en participations pour régler les dettes de Laïki et recapitaliser Bank of Cyprus. Les pertes des créanciers pourraient aller jusqu'à 40%.

"Il a eu tort"

"M. Djisselbloem a eu tort de dire ce qu'il a dit", a estimé le membre français du directoire de la BCE Benoît Coeuré sur Europe 1, mardi matin. "L'expérience de Chypre n'est pas un modèle pour le reste de la zone euro parce que la situation avait atteint une ampleur qui n'est comparable à aucun autre pays". "La solution sur Chypre ne concerne que Chypre en raison de son système bancaire particulier", a ajouté le ministre grec des Finances dans la journée.

"Arrêter de faire payer les contribuables"

Mais si le terme "modèle" doit être évacué des qualificatifs au plan de sauvetage chypriote, de nombreux responsables européens montrent leur ras-le-bol à faire payer les gouvernements pour sauver les banques en difficulté. "Nous voulons retrouver une situation où le contribuable arrête de payer pour les banques", a commenté mardi Chantal Hughes, porte-parole du commissaire européen aux Services financiers, Michel Barnier, à l'AFP.

Le Premier ministre finlandais a également appelé à faire payer la facture aux actionnaires et créanciers : "Partout, en Europe, nous devrions passer à une économie de marché normale, où les propriétaires et les investisseurs accusent des pertes en cas de débâcle de banque".

Vers un texte au Parlement européen ?

Un eurodéputé suédois membre du Parti populaire européen (conservateur), Gunnar Hökmarkva, va proposer au Parlement européen un texte faisant participer les dépôts à tout sauvetage bancaire. "Les dépôts inférieurs à 100.000 euros sont protégés. Les dépôts au-dessus de 100.000 euros ne sont pas protégés et doivent être traités comme une partie du capital qui peut être sollicité", a-t-il détaillé. Les règles proposées impliqueraient également des pertes pour les détenteurs d'obligations des banques. Elles pourraient s'appliquer en 2015.

Le "bail-in" déjà préféré

Dans les faits, l'Union européenne planche déjà sur des mécanismes allègeant le fardeau pour l'Etat en cas de faillite d'une banque. Ainsi, l'Union bancaire proposé en juin 2012 lors d'un sommet européen envisage que soit activé un mécanisme de renflouement interne. Soit un "bail-in", un sauvetage de la banque par ses actionnaires et ses créanciers, et non pas un "bail-out", un sauvetage par l'extérieur, mettant à contribution les finances publiques. La Commission tablait au départ pour une mise en 2015. Mais il ne pourrait ne pas voir le jour avant 2018.

En France, la réforme bancaire, qui vient d'être adoptée au Sénat, implique qu'en cas de défaillance d'une banque, les pertes seront imputées aux actionnaires et à certains créanciers.

Le "bail-out" n'a peut-être donc effectivement plus beaucoup de jours devant lui...

>> L'erreur (calculée) de Dijsselbloem