Italie : l'étau économique, social et politique se resserre

Par latribune.fr  |   |  903  mots
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Dégradé par S&P, le pays n'a plus de dynamique économique et est pris dans des contradictions difficiles à régler. D'autant que la situation politique se complique...

Imaginez un pays digne de faire rêver les économistes. Avec un excédent budgétaire primaire (hors service de la dette) positif, des comptes courants en excédent de 1 % du PIB, des besoins de financement de l?Etat pour 2013 remplis aux deux tiers? Et pourtant, ce pays de rêve pourrait de nouveau donner des migraines à l?Europe. Ce pays, c?est l?Italie qui, mardi soir, a été dégradée d?un rang par l?agence Standard & Poor?s de BBB+ à BBB, avec une perspective négative. Désormais, la Péninsule n?est plus qu?à deux crans de la catégorie spéculative.

La croissance à l?arrêt

Car l?Italie souffre de sa croissance. L?an passé, le PIB italien a reculé de 2,4 % et la croissance de cette année ne cesse d?être révisée à la baisse. En mai, la Commission européenne prévoyait une nouvelle contraction de 1,3 % de l?économie péninsulaire, S&P table sur une baisse de 1,9 %, la recherche de Barclays dans ses plus récentes recherches sur un recul de 1,7 %. Au premier trimestre, le PIB italien a reculé pour la septième fois consécutive de 0,6 %, bien plus que ce qu?attendaient les économistes.

Le poids de la dette

Avec une richesse qui se réduit, les « bonnes » performances italiennes en termes de déficits ne suffisent pas à réduire le rapport de la dette publique sur le PIB. Ce dernier pourrait être à 129 % à la fin de l?année, selon S&P, 133 % selon Barclays. Du coup, le poids de la dette est plus lourd dans les comptes publics et le déficit primaire nécessaire pour la consolidation doit être encore plus fort. Dans sa note, S&P indique qu?avec une croissance zéro, l?Italie doit dégager un excédent primaire de 5 % du PIB pour commencer à réduire le ratio d?endettement public. Autrement dit, il faudra encore beaucoup de rigueur pour réduire la dette. L?ennui, c?est que cette politique d?austérité complique la tâche en pesant sur l?activité. Autrement dit, l?Etat italien est dans une impasse.

Quelle politique adopter ?

Pourtant, l?Italie a beaucoup fait, mais les réformes du gouvernement Monti n?ont cependant pas permis de dynamiser l?économie et d?améliorer la compétitivité du pays. L?investissement s?est effondré : son recul s?élève à 1,7 % par trimestre en moyenne depuis un an et demi et il s?est encore accéléré au premier trimestre 2013 à 3,3 %. Ceci a pesé sur le tissu économique du pays : en deux ans, la production industrielle a reculé de 10 %. Et comme l?ajustement s?est d?abord fait par l?emploi, le chômage a bondi de 10 % au premier trimestre 2012 à 11,9 % sur les trois premiers mois de 2013. Il est attendu par Barclays à 13,3 % l?an prochain (la Commission européenne table sur « seulement » 12,2 %). Une hausse du chômage qui contribue à réduire la confiance et pèse sur les dépenses des ménages et les investissements. Sans pour autant dynamiser réellement les exportations. Beaucoup réclament un approfondissement des réformes, mais le risque serait d?alimenter ce cercle vicieux pour un intérêt limité. Quant à la stratégie de l?actuel gouvernement Letta, qui entend repousser la hausse de la TVA et supprimer l?impôt foncier, l?IMU, il risque de réduire le rythme de la consolidation et donc, là aussi, d?affaiblir la situation du pays. Bref, là aussi il est bien difficile de desserrer l?étau.

L?accès restreint au crédit

D?autant que ? et c?est le principal problème actuel le plus important de l?économie italienne : il y a une restriction stricte du crédit aux entreprises. Le secteur bancaire craint les mauvaises créances et restreint sa distribution de crédit dans un environnement récessif. D?autant que, comme le note S&P, « le taux de créances douteuses est traditionnellement élevé en Italie. » A l?approche des futurs stress tests du début de l?année 2014 impose une nouvelle pression sur les bilans des banques italiennes qui s?affirment donc prudentes. Et comme la BCE ne veut pas agir de façon agressive sur le sujet, le problème va demeurer. L?ennui, c?est qu?il est impossible aux entreprises qui le voudraient d?investir dans ces conditions. Là encore, le blocage est des plus sérieux.

Le risque politique

Reste enfin le risque politique. La coalition du président du conseil Enrico Letta est très fragile. La perspective de voir aller Silvio Berlusconi en prison ferait inévitablement sortir de l?alliance le centre-droit qui, en tête des sondages pourrait être tenté de jouer la politique du pire. Dans ce cas, on irait vers de nouvelles élections, ce qui n?est jamais bon pour la position du pays sur les marchés, surtout dans la perspective d?un retour du camp berlusconien aux affaires. Par ailleurs, la situation sociale demeure tendue. En perte de vitesse dans les sondages (mais encore à 18 % des intentions de vote environ), Beppe Grillo a mis en garde mercredi dans une conférence de presse contre la situation dans le pays, sans doute en forcissant le trait : « la nation est une cocotte minute qui est en train d?exploser, le pays est en ruine. »