Silvio Berlusconi plonge l'Italie dans une nouvelle crise gouvernementale

Par latribune.fr  |   |  945  mots
Silvio Berlusconi
Nouvelle crise en Italie avec la démission des cinq ministres membres du Peuple de la Liberté (PLD, centre droit), décision inspirée par Silvio Berlusconi et qualifiée par le Premier ministre Enrico Letta de "geste fou et irresponsable".

Décidément l'Italie est incorrigible... Une énième crise gouvernementale a éclaté samedi en Italie avec la démission des cinq ministres membres du Peuple de la Liberté (PLD, centre droit), décision inspirée par Silvio Berlusconi et qualifiée par le Premier ministre Enrico Letta de "geste fou et irresponsable". Vendredi soir, un Président du Conseil excédé par la fronde constante des amis du Cavaliere, qui cherchaient à empêcher que leur mentor soit déchu de son mandat de sénateur, avait annoncé qu'il demanderait la confiance du parlement.

Ce démocrate de gauche au profil de technocrate a su diriger depuis cinq mois une improbable coalition droite-gauche, qui a reçu la confiance des marchés. La fronde des amis du Cavaliere a brusquement redoublé jeudi : les parlementaires du Peuple de la liberté (PDL) ont menacé de démissionner en bloc pour protester contre le premier vote attendu, vendredi, d'une commission du Sénat sur la déchéance de Berlusconi de son mandat, après sa condamnation à un an de prison pour fraude fiscale. Selon eux, ce vote est la conséquence ultime et infamante d'un complot d'une gauche déterminée à mettre fin à la carrière de leur héros persécuté par les "juges de gauche".

Un climat délétère

C'est dans ce climat délétère que le conseil des ministres avait été convoqué vendredi pour retarder une augmentation prévue au 1er octobre de la TVA italienne. Mais aucune décision n'a été prise en raison de la tension politique : l'augmentation de l'IVA, de 21 % à 22 %, sera donc appliquée dès mardi 1er octobre. Cette hausse est redoutée par les milieux économiques car elle risque de peser sur la consommation.

Le Cavaliere a invité les ministres de son parti à "ne pas se rendre complices d'une ultérieure vexation imposée par la gauche aux Italiens". "La décision adoptée hier par le président du Conseil de geler l'action du gouvernement, entraînant de cette façon l'augmentation de l'IVA, est une grave violation du pacte de gouvernement", a argumenté Silvio Berlusconi.

"Un mensonge énorme"

Dans un communiqué de dix lignes cinglant, Enrico Letta a réagi en affirmant que désormais "chacun au parlement assumera sa propre responsabilité devant le pays""Pour chercher à justifier son geste fou et irresponsable, totalement destiné à protéger ses intérêts personnels, Berlusconi tente de retourner l'omelette en utilisant l'alibi de l'IVA", s'indigne Enrico Letta. "La responsabilité de l'augmentation de l'IVA est au contraire celle de Berlusconi et de sa décision de faire se démettre ses parlementaires, un fait sans précédent, qui prive le parlement et la majorité de la certitude nécessaire" pour donner aux mesures force de loi, argumente-t-il. "Les Italiens sauront renvoyer à l'expéditeur un mensonge tellement énorme et une telle tentative de déformer la réalité", fustige-t-il.

Le Cavaliere avait été condamné le 1er août à une peine de prison pour fraude fiscale. Il devrait purger sa peine à domicile ou en effectuant des travaux d'intérêt général. Mais cette peine aura pour effet de rendre inéligible le milliardaire qui a dominé la politique italienne des vingt dernières années. C'est ce que son camp n'accepte pas. Les jeux politiques sont ouverts et incertains : Enrico Letta pourrait tenter de former un deuxième gouvernement, en comptant sur des défections diverses et des soutiens dans les formations à gauche de l'échiquier politique. Un retour des ministres PDL semble improbable.

Que vont faire les marchés ?

Les marchés pourraient réagir négativement à l'évolution de la troisième économie de la zone euro, qui peine à sortir de la crise. La majorité qui soutiendra le futur gouvernement risque d'être réduite, orientée plus à gauche, ce qui pourrait éventuellement sa marge d'action, par rapport à une grande coalition. "L'attitude des hommes politiques" revient à "faire du mal au pays au pire moment quand les choix risquent de produire le maximum de dommages", avait observé samedi matin le quotidien des milieux d'affaires Il Sole 24 Ore.

Les marchés financiers ont déjà pris en compte l'instabilité politique en Italie, affirme le ministre de l'Economie Fabrizio Saccomanni dans un entretien publié dimanche. "Les marchés prendront en compte de nombreux éléments, dont les perspectives économiques qui s'améliorent clairement", explique-t-it dans les colonnes du quotidien financier Il Sole 24 Ore. "Je pense que l'incertitude liée à l'instabilité du gouvernement a d'ores et déjà été largement intégrée par les marchés ces dernières semaines", précise-t-il.

Le rôle du président italien crucial

Certains responsables de formations comme le mouvement anti-partis "Cinq étoiles" ont souhaité de nouvelles élections. Mais cette hypothèse est improbable car un nouveau scrutin risque d'aboutir à une impasse aussi grande, faute d'une modification de la loi électorale. Par ailleurs, le Fonds monétaire international (FMI) avait mis fermement en garde vendredi l'Italie contre les tensions au sein de sa majorité, "un grand risque" pour sa croissance.

Le rôle du président Giorgio Napolitano, pour donner des indications de sortie de crise, sera essentiel dans les prochains jours. Au lendemain de la démission des ministres membres du parti de Silvio Berlusconi, il a déclaré dimanche qu'il ne prononcerait la dissolution du Parlement que s'il n'est pas possible de trouver une majorité dans l'actuelle législature. "Il est de tradition pour le président de dissoudre le parlement de manière anticipée lorsqu'il n'est pas possible de former une majorité et un gouvernement pour le bien du pays", a-t-il expliqué à la presse. 

 

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