Les mauvais comptes du budget britannique

Par Romaric Godin  |   |  915  mots
George Osborne et David Cameron devront faire face à de lourdes critiques sur leur politique budgétaire.
Le chancelier de l'échiquier britannique devrait, mercredi, annoncer quelques gestes budgétaires. Mais les comptes publics britanniques ne se résorbent pas aussi vite que prévu. Et les élections approchent.

Voici quelques mois, les médias français n'avaient pas de louanges assez fortes pour saluer le succès de la politique d'austérité britannique. Le but était toujours le même : prouver le « manque de courage budgétaire » des gouvernements français et l'inefficacité des dépenses budgétaires hexagonales. Mais, comme souvent, ces comparaisons internationales relèvent surtout d'une opportune propagande qui oublie les différences fondamentales de situation entre les pays.

Une croissance forte... mais pas à long terme

Certes, la croissance britannique a de quoi faire des envieux et pourrait atteindre 3 % en 2015, le chômage a également beaucoup baissé. Mais, sur le long terme, cette performance doit être relativisée. Entre 2008 et 2013, le PIB britannique a ainsi reculé de 0,74 % selon Eurostat tandis que le PIB français progressait de 0,42 %. En termes de PIB par habitant, la chute est encore plus spectaculaire : il a baissé, en parité de pouvoir d'achat, de l'équivalent de 114 % de la moyenne de l'UE à 106 % sur la même période, tandis que celui de la France stagnait de 107 % à 108 %.

Une politique monétaire très active

Outre l'effet de rattrapage, il n'est pas certain que l'austérité appliquée à l'économie britannique depuis 2010 permette aujourd'hui cette forte croissance. La politique monétaire de la Banque d'Angleterre (BoE), après avoir compensé les effets de cette austérité, favorise désormais l'expansion, notamment industrielle du Royaume-Uni. Rappelons que cette politique a commencé très tôt, puisque le taux directeur britannique est à 0,5 % depuis mars 2009 et qu'il n'a pas bougé depuis. A cette époque, le taux européen était à 1,25 % et il a, depuis, été remonté jusqu'à 1,5 % à l'été 2011. Et surtout, la BoE a ouvert dès 2010 son assouplissement quantitatif sur laquelle la BCE s'interroge. Enfin, l'économie britannique demeure très dépendante du secteur de la finance. Bref, l'austérité ne saurait expliquer à elle seule la croissance outre-manche.

Le budget se réduit moins que prévu

Surtout, cette politique d'austérité a enregistré une défaite cuisante : elle s'est montrée incapable de ramener le déficit budgétaire dans des proportions acceptables. Fin 2013, il était encore à 6,3 % du PIB (contre 4,2 % en France). Cette année, il devait revenir à 5,2 % du PIB, mais rien ne semble se dérouler comme prévu. Mercredi, dans son discours budgétaire d'automne, le chancelier de l'échiquier George Osborne devrait admettre qu'il manquera 9 milliards de livres, environ 11,3 milliards d'euros, pour boucler les plans budgétaires. Du coup, le déficit s'élèvera à seulement 2 milliards de livres de moins que l'an passé à 95,5 milliards de livres, soit encore proche des 6 % du PIB.

Des embauches à bas prix... et moins de recettes fiscales que prévu

La raison ? L'austérité ! La stratégie de baisse du prix de la main-d'œuvre a en effet conduit à des embauches, mais à bas prix. Les nouveaux employés le sont souvent à un niveau proche du salaire minimum et ne sont pas ou peu imposés. D'autant que le plafond de non imposition a été relevé. Résultat : les prévisions de recettes fiscales supplémentaires basées sur le recul du chômage ont été surestimées. Les recettes fiscales sur 7 mois ont ainsi progressé de 0,6 % seulement contre une prévision sur l'année de 5,3 % de l'OBR, le bureau de responsabilité budgétaire.

Tout ceci conduit le gouvernement britannique à une situation difficile. 2015 est une année électorale outre-Manche. Et c'est une année électorale qui s'annonce délicate. Tories et Libéraux risquent d'accuser une forte baisse. Les Libéraux-démocrates de George Osborne sont même menacés d'une quasi-disparition aux Communes. Il va donc falloir, lors de la préparation du budget 2015-2016 et dans l'exécution de l'actuel budget, faire preuve de générosité pour sauver les « Lib-Dem » et, même, donner un élan bienvenu aux Tories.

Les gestes de George Osborne

Samedi, George Osborne a ainsi annoncé un paiement extraordinaire de 2 milliards de livres au service national de santé, le NHS. Mercredi, il pourrait aller légèrement plus loin en gelant la taxe sur l'essence ou encore en appuyant sur le lancement d'un plan de renouvellement du secteur routier de 15 milliards de livres d'ici à 2021. Mais tout ceci pourrait n'être que poudre aux yeux : le paiement à la NHS n'est qu'un cautère sur une jambe de bois. Le chef de la NHS anglaise, Simon Stevens, a rappelé que pour faire face à ses défis, son institution devait recevoir de « vrais et nouveaux investissements. » Or, selon le parti travailliste, au moins 700 millions de livres sur ces 2 milliards de livres sont des réallocations de fonds. D'ici à 2020, la NHS va avoir besoin de 30 milliards de livres. Mercredi, on observera aussi les baisses de dépenses publiques que le gouvernement prendra pour tenter de contrer ces mauvais chiffres budgétaires. Si l'on prend d'une main ce que l'on donne de l'autre, l'effet sera sans doute nul.

Effet sur la campagne

Politiquement, ces chiffres budgétaires mettent David Cameron également en difficulté. Les Conservateurs ont promis en cas de victoire électorale de réduire de 7,2 milliards de livres les impôts pour près de 30 millions de ménages. La situation budgétaire plus difficile que prévue en 2015 risque de donner des arguments à ceux qui ne croient pas à cette promesse. George Osborne devra peut-être s'expliquer sur ces ambitieuses promesses. Une chose est certaine : pour faire oublier ces déboires budgétaires, David Cameron sera tenté, durant la campagne, d'insister sur les questions de l'immigration et de l'Europe.