Arnaud Montebourg interviewé par la rédaction de la Tribune

Par latribune.fr  |   |  636  mots
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Arnaud Montebourg est le premier des candidats à la primaire socialiste reçu à La Tribune par la rédaction. Prochain rendez-vous : Manuel Valls.

Jeudi dernier sur France 2, lors du premier débat entre les six candidats à la primaire socialiste, Arnaud Montebourg n'a pas fait dans la nuance. Se présentant comme « le candidat des solutions nouvelles », il a appelé à « affronter les puissances financières ». Reçu, vendredi matin, par la rédaction de « La Tribune » (lire ci-dessous), le député, président du conseil général de Saône-et-Loire, a précisé son projet présidentiel. Selon lui, il faudra faire payer par une taxe sur la spéculation la dette de la crise qu'il est injuste et dangereux économiquement de faire supporter aux seuls contribuables. Critiquant tour à tour « l'égoïsme allemand » et « l'économie de pillage » de la Chine, il s'explique sur son choix du protectionnisme, regrettant que le sujet n'ait pas été abordé jeudi lors du débat, alors que c'est « le principal point de clivage entre les candidats socialistes ». Craignant une « révolte des peuples », il appelle à renationaliser progressivement la dette publique en mobilisant l'épargne et appelle à une « troisième révolution socialiste et écologiste ». Après Kerenski et Lénine, Montebourg, l'homme de la démondialisation... À chacun de juger.

Extrait de la première partie consacrée à l'Europe et à la crise grecque :

Vous avez déclaré jeudi avoir voté « non » au traité de Maastricht, instaurant la monnaie unique. Pourtant, vous l'aviez publiquement approuvé...

J'ai approuvé, en 1992, le traité de Maastricht, convaincu que j'étais alors par François Mitterrand. En revanche, j'ai voté « non » au traité constitutionnel soumis au référendum en 2005, qui reprenait les textes antérieurs. Et, lors du vote sur l'élargissement de l'Europe, je me suis abstenu. Je ne voulais pas que l'Europe soit définitivement un marché informe. Aujourd'hui, nous payons les conséquences de ce choix et la facture de l'incapacité des politiques à faire primer la politique sur les marchés. Il va falloir reconstruire sur les ruines de l'Europe car ses textes fondateurs sont devenus obsolètes. La « défaisance » de la zone euro ne va pas attendre. Les politiques ne le disent pas, contrairement aux économistes, mais l'effondrement est pour demain. Dans les deux mois, l'Espagne pourrait être en défaut : les autres pays ne pourront, alors, plus payer.

Voilà deux ans que la crise grecque a éclaté. Rien n'a été résolu. Comment fallait-il faire ?

Je crois qu'à l'incompétence des dirigeants européens s'est ajouté l'égoïsme de l'Allemagne, que la France s'est contentée de suivre. Il faut remonter aux origines de la crise : la stratégie de cavalier seul menée par l'Allemagne a déstabilisé toute la région. Elle a exacerbé les mécanismes de concurrence internes à la zone euro. La politique d'Angela Merkel, fondée sur la désinflation compétitive, est suicidaire pour l'Allemagne, dans la mesure où elle affaiblit toute la zone euro, qui va tomber dans la récession... alors même que 60 % de l'excédent commercial allemand est réalisé dans cette zone. Ce à quoi s'est ajoutée l'irrationalité des marchés. Si ses dirigeants acceptaient de faire d'elle une entité politique, s'ils gouvernaient sa monnaie, son budget, ses frontières, l'Europe serait la première puissance mondiale.

Que faire, dans l'immédiat ?

Vu l'ampleur de la crise, même le projet d'eurobonds me paraît dépassée. Il faut reprendre le contrôle des marchés. Ils sont devenus un mal, un danger, on n'en a pas besoin. Il faut procéder comme le font les Chinois : l'État y a le primat sur les marchés, il n'a jamais abandonné le contrôle. Il faut enfin créer une agence de mutualisation de la dette et faire payer la dette de crise, à savoir près de 400 milliards d'euros, par une taxe sur les transactions financières.

A suivre...