Renault Laguna coupé : Le chic à la française

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  1559  mots
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C'est un échec commercial flagrant. Pourtant, le coupé Laguna, ici doté d'un très agréable V6 diesel, est une superbe voiture, qui procure un formidable agrément de conduite. Hélas, cette Renault « made in France » est chère et écope d'un super-malus gouvernemental rédhibitoire.

La Renault Laguna ? Ca vous dit quelque chose ? Une voiture familiale oubliée, qui constitue l'un des plus flagrants échecs de la marque française ces dernières années. Et le coupé ? C'est encore pire. Vu les ventes archi-confidentielles (3.553 dans le monde l'an dernier), on n'en voit quasiment jamais dans les rues. Et, pourtant, quelle injustice ! A la recherche des dernières  belles voitures « made in France » qui auraient pu concurrencer les opulentes allemandes, nous nous sommes retrouvés l'espace d'un week-end  au volant d'une très jolie auto, dotée d'un superbe moteur diesel V6, l'une des rares mécaniques nobles de la production tricolore - reprise d'ailleurs par Infiniti, label de luxe de Nissan, l'allié japonais de Renault. Cerise sur  le gâteau, notre coupé était pourvu d'un système inédit à quatre roues directrices. Alors ? Un régal !

 Belle voiture, malgré quelques erreurs 

Ce coupé Laguna est une belle voiture, classique dans ses proportions, de lignes assez simples et élégantes. Rien à voir avec les  carrosseries torturées, boursouflées, prétentieuses, voire vulgaires,  si à la mode aujourd'hui. L'arrière du coupé, inspiré d'Aston Martin, est très réussi. Le reste apparaît un peu moins abouti. L'avant, repris tel quel de la berline, est moins personnel que la poupe, et son aspect arrondi ne s'accorde pas tout-à-fait avec les feux arrière droits et acérés. De même, la jointure entre le coffre et le pavillon, située deux centimètres plus haut que le jonc chromé soulignant les vitres latérales, rompt quelque  peu la continuité des lignes et apparaît malhabile. Dommage. Mais, on ne va pas chipoter. Globalement, ce coupé est bien joli. Voilà en tous cas la plus belle Renault des trente  dernières années. Même si ce n'est pas difficile, diront les mauvaises langues, au vu des Scénic, Mégane, Vel Satis, pas vraiment magnifiques.   

Intérieur pas assez exclusif mais de qualité

L'intérieur, intégralement copié de celui de la berline, déçoit pour un coupé haut de gamme.  Ca manque  un peu d'exclusivité et de raffinement. Mais,  on apprécie la belle qualité de finition, le dessin doux, reposant, en forme de vague, de la planche de bord. Celle-ci est simple, plane, avec des gros compteurs ronds très lisibles. Il y a quelques années, on déplorait la complexité des réglages avec la molette centrale. Mais, depuis, les allemands ont fait beaucoup plus compliqué. Du coup, par comparaison, la Laguna apparaît aujourd'hui presque intuitive dans les commandes de ses fonctions. L'omniprésence du plastique laqué noir « piano » manque un peu de classe sur un tel véhicule. On aurait préféré du  vrai bois. Mais ces placages sont bien réalisés et assemblés. Alors... Bravo en tous cas, sur notre version de pointe Initiale Paris, aux sièges électriques très bien dessinés et au cuir beurre frais flatteur. Nous avons aussi apprécié, de série, l'ensemble audio Bose d'une remarquable sonorité. Seul vrai défaut : un accoudoir central non réglable. 

Habitabilité satisfaisante... à l'avant 

L'habitabilité est sympathique... à l'avant. Avec deux excellentes places. Le coffre offre aussi une bonne contenance. Sinon, ce coupé est un 2+2. Les sièges arrière ont beau être accueillants, ils sont faits pour de courts trajets, car l'accessibilité est problématique, la place pour les jambes limitée et la garde au toit mesurée. Pour finir sur l'habitacle, remarquons des sifflements aérodynamiques gênants à haute vitesse en provenance du haut des vitres latérales sans entourage.  Sur autoroute, on critiquera aussi le bourdonnement lancinant venant des pneus très larges. En revanche, pas de crissements ni de grincements de mobilier intérieur, signe d'une fabrication rigoureuse.

Un V6 diesel sensuel

Contact. Tout de suite, on est séduits par la sonorité rauque du V6 diesel. Ah, c'est autre chose qu'un quatre, ou pire, un trois cylindres ! Ce moteur de 235 chevaux envoûte par ses belles accélérations et son onctuosité. Quelle sensualité ! Il est secondé de série par une boîte automatique très douce, dite « intelligente », c'est-à-dire s'adaptant au style du conducteur. On regrette quand même que Renault soit l'un des seuls grands constructeurs européens à ne pas offrir une position « S » pour Sport. Du coup, sur route sinueuse, ça manque de réactivité. La voiture ne rétrograde pas suffisamment en entrée de virage. Seule solution, sur parcours vallonné : mettre la boîte en mode manuel, qui se révèle efficace et fonctionne sans à-coups. Mais, une transmission auto, c'est quand même fait pour fonctionner en... mode automatique. Infiniti prévoit bien, lui, une position « S » avec le même moteur ! Ceci dit, l'ensemble mécanique demeure de très bon niveau. 

Consommations pas si basses

 Un gros moteur de trois litres de cylindrée ? Ouhhhh, répondront les anti-voitures, ça consomme... Mais, une mécanique de forte cylindrée n'est pas forcément un gouffre à carburant, du moins sur route. Car, elle est bien moins sollicitée qu'un minuscule trois cylindres poussé constamment à haut régime. Nous avons avalé 9 litres de gazole aux cents durant notre essai, avec beaucoup de route. Vu l'agrément et la présence d'une boîte automatique de type assez ancien - donc énergivore -, c'est convenable.

 Précision et agilité formidables

 Abordons maintenant ce qui demeure l'un des atouts majeurs du coupé Laguna : le comportement routier. La Laguna « normale » s'est toujours distinguée par une tenue de cap sûre. Mais, ici, avec le système «  4 Control » (en option à 2.000 euros), c'est une merveille. Les quatre roues sont directrices, c'est-à-dire que celles de l'arrière braquent aussi. En sens inverse des roues avant pour faire un créneau. Ou dans le même sens à partir d'une certaine vitesse. Les man?uvres en sont facilitées. Mais, surtout, la précision et l'agilité  deviennent formidables. Ce coupé virevolte d'un virage à l'autre avec une bonne volonté admirable. Les petites routes deviennent un délice. Quel plaisir ! Une telle invention, restée malheureusement confidentielle, aurait dû devenir plus populaire, tant elle facilite la vie. Mais Renault n'a pas su la vendre. Notons que le freinage est à la hauteur de la  puissance.

 Confort très, très ferme

 La berline était déjà réputée ferme de suspensions. Mais, ici, c'est carrément sec. Les grandes roues de 18 pouces avec des pneus à flancs ultra-bas n'arrangent rien. Ca percute sur les petites inégalités, qui font le charme des départementales françaises. Trop, à notre goût. La précision du comportement se paye au niveau du confort. Evidemment, il y a pire ailleurs et, comme la voiture colle parfaitement à la route, on n'est jamais secoués en tous sens comme sur certaines rivales. Mais, pour un coupé à vocation plus luxueuse que vraiment sportive malgré des trains roulants  incisifs, on regrette que Renault ait à ce point durci les liaisons au sol. Une monte pneumatique moins extrême résoudrait une partie du problème. Sur route très détériorée, les vibrations répercutées dans le volant sont telles qu'on a presque du mal à le tenir fermement...

 Prix élevé et super-malus

 Evidemment, c'est moins cher qu'un coupé équivalent chez Audi ou BMW. Mais, près de 50.000 euros pour une Renault Laguna, fût-elle coupé, dotée d'un V6 et très bien équipée en version Initiale Paris, c'est rédhibitoire. Vu la médiocre image de la marque, synonyme de véhicules de bas de gamme, il est difficile de convaincre une clientèle huppée de venir dans les concessions du losange. Même si le produit en vaut la peine. Et puis, coup de massue, le gouvernement ajoute un super-malus de 2.600 euros sur une des rares voitures « made in France » capables (du moins théoriquement) de rivaliser avec les ténors germaniques. Evidemment, le gouvernement allemand, lui, sait mieux ménager ses constructeurs... Ceci dit, votre concessionnaire sera ravi de vous octroyer une forte remise si jamais vous vous montrez intéressé. Nous vous conseillons d'ailleurs l'achat d'occasion... car ce coupé Laguna décote tellement qu'il devient une réelle affaire en deuxième main... mais attention à la revente en l'achetant neuf ! En tous cas, ce coupé élégant, doté d'une superbe mécanique, même s'il est condamné à terme, nous paraît un beau représentant du fameux « chic à la française ». Il aurait mérité une autre carrière. Mais, pour cela, il eut fallu qu'il ne s'appelât ni Laguna, ni Renault, et qu'il naquît dans un pays où les pouvoirs publics ne matraquent pas les belles mécaniques qui font le renom d'une industrie !

Alain-Gabriel Verdevoye

Modèle d'essai : Renault Laguna coupé V6 dCi Initiale : 49.850 euros (+2.600 euros de malus) 

Puissance du moteur : 235 chevaux (diesel)

Dimensions : 4,64 mètres (long) x 1,81 (large) x 1,40 (haut)

Qualités : superbe agrément de conduite, comportement routier agile et précis, mécanique « noble », belle position de conduite, esthétique plaisante, cuir de qualité, finition soignée...

Défauts : ...mais pas assez raffinée, habitabilité restreinte à l'arrière, boîte auto insuffisamment réactive, confort trop ferme, prix et malus

Concurrentes : BMW 330d coupé Luxe : 52.700 euros ; Audi A5 3,0 TDi Quattro Ambition Luxe : 59.600 euros

Note : 14,5 sur 20