La « ligne » Moscovici se libère à Davos

Par Philippe Mabille  |   |  887  mots
Présent « pour deux jours » à Davos pour couper le cou au « French Bashing » ambiant, le ministre de l’Economie et des Finances est venu faire la « com » du virage, pardon de « l’accélération » sociale-démocrate de François Hollande. « La feuille de route est claire : nous avons trois mois pour mettre en place le pacte de responsabilité. 2014 est l'année pivot du quinquennat ». Entretien.

A Davos, tous les dirigeants viennent pour faire leur show, vanter les réformes menées dans leur pays pour les rendre plus compétitifs et plus attractifs pour les nombreux investisseurs du monde entier présent pendant le Forum Economique mondial. Pour sa deuxième venue comme ministre de l'économie et des finances, Pierre Moscovici n'échappe pas à la règle. Et, même s'il intervient ce vendredi soir dans une table ronde sur les « pays émergents », n'en déduisez pas que la France fait partie de ce club, n'en déplaise à Christophe de Margerie, le patron de Total qui a fait le buzz en qualifiant ainsi l'Eurozone…

Recevant quelques journalistes français, avant de faire la tournée des CNN, Bloomberg et autres médias étrangers, surtout anglo-saxons, Pierre Moscovici se montre sous un jour assez « libéré ». « Je suis heureux, car le ministre des finances que je suis dispose pour 2014 d'une feuille de route claire et précise ». La ligne "moscoviciste" triomphante ? Le patron de Bercy n'aime pas ramener la couverture à lui. « Ce pacte de responsabilité, c'est un travail collectif dans la prolongation de l'action menée depuis vingt mois pour reprendre la maitrise de la dette et ranimer la croissance ». Mais c'est quand même bien « la ligne » à laquelle il croit, défend dans son livre « Combats » et pour laquelle il veut bien « prendre sa part »… En tout cas, c'est cette ligne qui l'a emporté à Bercy. "Le ministère des finances sera au cœur de l'élaboration du pacte, qu'il s'agisse des Assises de la fiscalité ou bien du conseil stratégique de la dépense publique" dont la première réunion présidée par François Hollande en personne vient de se tenir. « Je me sens conforté pour porter ce socialisme de l'offre auquel j'ai toujours cru », concède Pierre Moscovici.

Oui mais ce pacte, qui séduit le Medef, les chefs d'entreprise et même une majorité de Français selon les derniers sondages d'opinion, encore faut-il le délivrer. C'est là que le doute persiste, tant chez les patrons, sceptiques, que dans les médias étrangers. « The fall of France » a titré récemment le magazine Newsweek. Pierre Moscovici balaye cette outrance. « La France est la cinquième puissance économique du monde et la deuxième en Europe », martèle-t-il. « Notre économie est solide, mais a besoin de retrouver la confiance et le dynamisme ».

Tout va se jouer très vite. « 2014 sera l'année pivot, où tout va se jouer », souligne-t-il en insistant sur le calendrier très court que s'est imposé François Hollande lui-même. Le « test de crédibilité » viendra très vite : fin mars, début avril au plus tard, tous les éléments du « pacte de responsabilité » seront sur la table pour être discutés avec les partenaires sociaux et votés au Parlement avec engagement de la responsabilité du gouvernement. L'objectif, c'est que cette politique de l'offre "réenclenche un cercle vertueux investissement-emploi-consommation", et que ainsi "l'offre génère sa propre demande" pour que la France retrouve son niveau de croissance potentielle, qu'il estime à 1,5% peut-être 2%... Pour 2014, Pierre Moscovici est convaincu que la France fera mieux que les 1% prévus. « J'ai discuté avec Lloyd Blankfein, le patron de Goldman Sachs qui m'a dit en forme de boutade : nous ne comprenons pas bien comment marche votre modèle mais force est de reconnaître que la France fait toujours mieux que nos propres prévisions » !

Pour l'heure, les bonnes nouvelles sont au rendez-vous. En forme d'encouragement aux réformes promises par François Hollande, l'agence de notation américaine Moody's n'a, finalement et contrairement aux rumeurs qui ont couru toute la journée sur les marchés, pas dégradé la notation de la France (actuellement Aa1) ce vendredi soir… Tout en maintenant la perspective négative. La France reste donc sous surveillance et sous le regard du monde qui, à Davos comme ailleurs, attend désormais que les réformes promises arrivent... « Cela ne change en rien notre détermination à agir », insiste Pierre Moscovici. « Le président de la République est bien conscient de l'urgence et des enjeux : il sait qu'il sera jugé sur les résultats ». A l'entendre, on croirait du René Char : « Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque… A te regarder, ils s'habitueront »…

Y croire où pas ? Présent aussi à Davos, Jacques Attali estime qu'il faut aller vite. "Si tout ne se met place dans les trois mois, le risque d'un recul par rapport à l'impulsion donnée est grand", prévient-il. L'inspirateur de l'accélération sociale démocrate de François Hollande et l'auteur du rapport sur "la libération de la croissance française" dont le rapporteur général adjoint n'est autre qu'Emmanuel Macron, le secrétaire général adjoint de l'Elysée, va même plus loin. Pour crédibiliser la réduction de la dépense publique, le chef de l'Etat devrait "remanier son gouvernement tout de suite", sans attendre les Municipales, estime Jacques Attali. Selon lui, la discussion sur les dépenses doit avoir lieu avec les ministres qui seront là pour mettre en oeuvre le budget 2015. Sinon, le risque est grand que les nouveaux arrivants renégocient les coupes en cours de négociation.