La Suisse, prochaine terre promise des startups ?

Par Cyril Demaria  |   |  595  mots
Le modèle d'innovation suisse combine des caractéristiques du modèle israélien (petit marché exportateur) et américain (présence forte d'une culture de l'innovation technologique avec les écoles polytechniques fédérales de Lausanne et de Zurich).
Le cluster helvétique pourrait bien devenir le prochain modèle à étudier en matière d'innovation. Seul bémol : la Suisse cède facilement au pessimisme européen...

La Suisse n'est et ne sera pas "la prochaine Silicon Valley". Comme l'explique brillamment le Professeur Josh Lerner de la Harvard Business School dans Boulevard of Broken Dreams, le cluster californien d'innovation informatique est unique. Il est le fruit de la guerre froide, de ses importants budgets militaires et de la course technologique contre l'URSS. Il est aussi le résultat d'une culture particulière, combinant optimisme, prise de risque et innovation; ainsi que du capital économique (HP, Fairchild Semiconductor), financier (les fameux venture capitalists de Sandhill Road) et intellectuel (Universités de Stanford et de Californie à Berkley) disponible localement.

Néanmoins, le cluster helvétique pourrait bien devenir le prochain modèle à étudier, à l'image de celui de la "Start-up Nation": Israël. La comparaison est intéressante : les deux marchés sont petits et de taille équivalente (environ huit millions de personnes). Les deux pays sont très innovants: assez logiquement, Israël excelle dans l'adaptation des technologies à double usage (sécurité informatique, big data, communications) à un usage civil. L'idée est de démontrer localement la viabilité technologique et économique de la recherche, puis de transférer les jeunes pousses aux Etats-Unis pour alimenter leur développement et finalement les céder ou les introduire en Bourse.

Un modèle d'innovation particulier

La Suisse, pays neutre, n'a qu'une armée de métier embryonnaire et n'a pas de R&D militaire de grande envergure. Son modèle est intéressant car il illustre le potentiel européen. Sa culture est largement fondée sur une forte aversion aux risques, et donc une recherche permanente de leur maîtrise. Ce n'est pas par hasard que quelques-uns des géants de la banque et de l'assurance, mais aussi du monde agro-alimentaire (maîtrise de la sécurité alimentaire pour un pays alpin pauvre en ressources naturelles), de l'environnement et de la santé sont basés sur son sol.

A cet égard, son modèle d'innovation combine des caractéristiques du modèle israélien (petit marché exportateur), américain (présence forte d'une culture de l'innovation technologique avec les écoles polytechniques fédérales de Lausanne et de Zurich), mais aussi japonais et sud-coréen (corporate venturing, relations conglomérat-réseau de petits fournisseurs réactifs spécialisés). La Suisse se plaint d'un mal européen : le manque d'investisseurs en capital-risque. C'est assez vite oublier un réseau dense d'investisseurs providentiels (business angels) qui peuvent largement faire office de venture capitalists, et de grandes entreprises faisant battre le cœur d'un écosystème d'entreprises innovantes.

Le risque pessimiste

Le propre du cluster suisse innovant est d'être capable de concilier créativité et organisation : la Commission pour les Technologies et l'Innovation agit comme un catalyseur, et alimente un réseau de fondations et de structures de financement en opportunités d'investissement de qualité. Sans surprise, le Top100 2014 des start-ups suisses illustre ce succès avec des sociétés positionnées à la frontière de plusieurs corpus scientifiques: sciences de la vie, imagerie et nanotechnologies pour certaines d'entre elles; instrumentation, mesure et agriculture pour d'autres; mais aussi nouveaux matériaux, communication et habillement; ou encore environnement, économies d'énergie et fertilisants.

Au final, le principal risque que la Confédération doit affronter est typiquement européen : celui d'un certain pessimisme récurrent et un doute persistant quant au futur de ses entrepreneurs. Un risque que les pays et populations jeunes balaient d'un revers de main optimiste, mais que les pays du Vieux Continent aux populations vieillissantes et frileuses ont du mal à chasser.