Quel avenir pour le charbon ?

Par Frédéric Gonand  |   |  736  mots
Les réserves de charbon sont abondantes, il pourrait être encore largement utilisé. Son avenir dépendra des politiques environnementales: une taxation du Co2 le mettrait à mal. Par Frédéric Gonand, professeur d'économie associé à l'Université Paris-Dauphine

Le charbon désigne différentes matières premières relativement distinctes. Le Brown coal comprend le lignite (dont la teneur en résidus est assez élevée, et qui est surtout utilisé pour produire de l'électricité), la houille (plus riche en carbone avec moins d'eau et de résidus), le coke (utilisé en sidérurgie) et d'autres charbons « vapeurs » surtout destinés à la production d'électricité. Au-dessus d'un pouvoir calorifique de 6000kcal/kg, les hard coal comprennent notamment l'anthracite (à haute teneur en carbone, avec peu de résidu, utilisé pour le chauffage).

Des coûts de transport élevés

Les coûts de transport du charbon sont significativement plus élevés que ceux du pétrole (4 à 5 fois plus en temps normal). Les mines de charbon proches des centres de consommation bénéficient ainsi d'une rente de situation géographique. Le coût du fret maritime du charbon est particulièrement volatil : habituellement de 6$ la tonne entre Afrique du Sud et Rotterdam durant les années 2000, il a pu s'envoler à 50$ fin 2007 - début 2008. Dans ce contexte, seuls 12% de la production mondiale de charbon font l'objet d'un commerce international (essentiellement du hard coal) et le secteur est concentré entre les mains d'acteurs industriels de grande taille (Rio Tinto, BHP Billiton, XStrata, Anglo American Coal).

Des réserves abondantes: plus d'un siècle de production

Quelques ordres de grandeur peuvent être utiles. 69% du charbon dans le monde est destiné à produire de l'électricité, et 13% est utilisé par le secteur sidérurgique. Géographiquement, les réserves de Brown coal sont à 33% aux USA et à 26% en Russie ; elles sont aussi importantes, en termes, relatifs, en Pologne. Les réserves de hard coal sont mieux réparties sur la planète : 25% aux USA, 16% en Chine, 14% en Inde, 13% en Russie, 9% en Australie. L'Indonésie est le premier exportateur mondial de charbon toutes catégories confondues (384Mtonnes en 2013). L'Australie est le 1er exportateur mondial de hard coal. Globalement, les réserves prouvées de charbon sont abondantes, et largement supérieures à plus d'un siècle de production. Les ressources sont encore plus abondantes. La Chine et l'Inde sont à la fois de gros consommateurs et de gros importateurs.

Beaucoup de contrats à long terme...

Géographiquement, trois marchés du charbon peuvent être distingués. Le marché du charbon à coke (charbon sidérurgique) est mondial et organisé autour de contrats pluriannuels avec fixation annuelle du prix. Le prix en est supérieur à celui du charbon vapeur (de l'ordre de 40% à 50%) car c'est un type de charbon plus rare. Le marché atlantique du charbon vapeur rassemble les électriciens et cimentiers européens qui achètent leur charbon aux Etats-Unis, en Colombie et en Afrique du Sud. Il est traditionnellement organisé en contrat à long terme avec prix indexés sur l'inflation et le coût de la main d'œuvre, mais une bourse spot s'est rapidement développée. Enfin, le marché Pacifique du charbon vapeur est structuré essentiellement autour de contrats à long terme.

Le prix du CO2: un effet massif sur la rentabilité de l'électricité à base de charbon

La compétitivité future du charbon au sein du bouquet énergétique sera liée notamment aux politiques environnementales futures et à leurs implications sur le coût du CO2 : elle est donc essentiellement incertaine. Le prix du CO2 a un effet massif sur la rentabilité d'exploitation des usines d'électricité à partir de charbon. Le captage de CO2 coûte de 20€ à 40€ MWh (hors coût de transport et de stockage) - cela dit, la filière n'est pas encore mature et pourrait donc encore réaliser des gains de productivité à l'avenir.

Les normes de réduction des émissions de pollution locale pourraient aussi peser sur l'usage futur du charbon. Par ailleurs, une amélioration du rendement énergétique des usines à charbon (en Chine, en Inde) devrait peser à l'avenir sur la demande mondiale de charbon. Au total, on s'attend donc plutôt à une tendance à la décélération pour la demande de charbon à long terme, mais la question du rythme de ce ralentissement reste largement sans réponse à ce stade. Côté offre, les coûts de production ne devraient pas augmenter beaucoup vu l'abondance des ressources. Au total, le prix du charbon pourrait a priori suivre une tendance plutôt baissière à long terme, mais à un rythme qui reste encore très incertain à ce stade.

Frédéric Gonand

Professeur d'économie associé à l'Université Paris-Dauphine