Comment la Chine va traiter sa bulle immobilière

Par Jean-François Dufour  |   |  845  mots
L'éclatement de la bulle immobilière ne vas pas provoquer un effondrement de l'économie chinoise. Une fois de plus, les mécanismes de "l'économie de marché socialiste" vont être mis en œuvre. Par Jean-François Dufour, directeur, DCA Chine-Analyse

La Chine est confrontée au dégonflement d'une bulle spéculative immobilière qui serait fatale à n'importe quelle économie de marché. Pour autant, les analyses qui en déduisent l'effondrement prochain de l'économie chinoise ignorent la capacité de prestidigitation financière qui constitue l'une des bases de l' « économie de marché socialiste ». Les autorités chinoises sont en train de mettre en place un plan de refinancement en circuit fermé selon une logique qui a connu des précédents, et qui indique les limites des réformes financières dans le pays.

La Chine de 1999 était au bord de la catastrophe économique. Avec un système bancaire miné par des créances douteuses (emprunts ne pouvant être remboursés) qui représentaient officiellement 20% de l'encours de prêts des grandes banques du pays - un chiffre qui serait revu ultérieurement à 35% ! -, n'importe quelle économie de marché aurait implosé - comme les voisins asiatiques de la Chine l'avaient fait deux ans plus tôt.

Refinancement en circuit fermé

Mais c'est ici que la magie de l'« économie de marché socialiste », dans laquelle le système financier reste contrôlé par l'Etat, a œuvré une première fois à grande échelle. Avec un principe simple : une rationalisation accompagnée d'un refinancement en circuit fermé.

En 1999, la Chine crée ainsi quatre AMC - Assets Management Companies -, des structures de défaisance géantes chargées de reprendre, et de gérer, les créances douteuses des grandes banques chinoises.

La création de ces AMC, qui existent toujours, est financée par des obligations qu'elles émettent en 1999, et qui sont souscrites ... par les mêmes banques dont le bilan est ainsi nettoyé. Banques qui sont parallèlement priées de rationaliser leur politique de prêts, et de financer des projets économiquement viables.

Nouveau dérapage

Aujourd'hui, la Chine se retrouve de nouveau au bord de la catastrophe économique. En cause cette fois, une bulle immobilière qui menace de faire perdre leur valeur à une bonne partie des actifs garantissant les prêts bancaires.

Ces prêts ont en effet à nouveau explosé, notamment à destination des collectivités locales, à l'occasion de la relance de l'économie nationale en 2008 ; et ils ont à nouveau financé des projets dont une partie n'était pas viable économiquement. Ils ont ainsi nourri la bulle immobilière qui à nouveau, dans une économie de marché, mènerait à un effondrement de l'économie en dépréciant les bilans des banques.

Même type de réponse

Mais la Chine de 2014, si elle a évolué, n'a pas foncièrement changé de système financier. Et un nouveau tour de magie, sur les mêmes bases d'une rationalisation et d'un refinancement en circuit fermé, est en cours de déploiement.

Le gouvernement a donné le signal de la rationalisation en septembre, en interdisant les nouveaux emprunts par les LGFV (Local Government Financial Vehicles), les sociétés de financement sur lesquelles les gouvernements locaux se sont appuyés massivement entre 2008 et 2014, pour souscrire des emprunts auprès des banques chinoises.

Mais dans le même temps, il a donné le signal du refinancement, en annonçant que les gouvernements régionaux émettraient désormais des obligations. Dans la mesure où 70% des obligations domestiques chinoises sont souscrites par les banques du pays, l'idée est clairement que ces banques refinancent le paiement des emprunts qui leur sont dus par les LGFV, par le produit des obligations ainsi émises.

Nomination cohérente

En marge du IVè Plenum du XVIIIè Comité central du Parti communiste chinois, une nomination (en attente de confirmation) est venue confirmer le déploiement de ce plan. Li Shiyu devrait en effet prendre la tête de l'Agricultural Bank of China (ABC), l'une des quatre principales banques du pays. Or dès 2011, ce vice - gouverneur de la People's Bank of China (PBOC, la banque centrale du pays), s'exprimait sur la nécessité d'une titrisation de la dette dans le pays, pour soulager les bilans des banques chinoises.

Les limites des réformes financières

C'est cependant à un plus haut niveau de nominations que viendront les indications déterminantes sur l'avenir de la gestion financière du pays.

Le corollaire de la prestidigitation financière associée à l'économie de marché socialiste, est en effet que les réformes financières n'aillent pas à leur terme. Le jour où le renminbi sera pleinement convertible, et où les banques chinoises seront des intermédiaires de marché plutôt que des outils du gouvernement, le refinancement en circuit fermé ne sera plus possible.

Dans ce contexte, les rumeurs sur le remplacement de Zhou Xiaochuan, gouverneur de la PBOC depuis 2002, et partisan affirmé de réformes financières en profondeur, prennent tout leur sens. Le maintien ou non du gouverneur de la banque centrale du pays, et l'identité de son éventuel remplaçant, constituera une indication importante, sur la disposition de l'équipe au pouvoir à prendre le risque de se passer du ressort fondamental de l' « économie de marché socialiste ».

Jean-François Dufour, Directeur, DCA Chine-Analyse