La France et trois autres pays interdisent les ventes à découvert

Par latribune.fr  |   |  928  mots
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Bruxelles, Madrid, Paris et Rome ont décidé jeudi soir d'interdire les ventes à découvert sur les valeurs financières afin d'enrayer la chute et l'extrême volatilité en Bourse des titres des banques et des compagnies de leur pays respectifs. L'Autorité des marchés financiers applique cette mesure sur onze valeurs financières françaises. La Commission européenne a salué ces décisions tout en précisant qu'elle préfèrerait un cadre européen pour ces restrictions.

Quatre pays européens interdisent les ventes à découvert pour une quinzaine de jours. L'Esma, régulateur européen des marchés financiers, a annoncé dans un communiqué que l'interdiction des ventes à découvert prendra effet à compter du vendredi 12 août, avec la possibilité le cas échéant d'être prolongée.

La Commission européenne, si elle salue cette mesure, souhaite toutefois reprendre la main et encadrer l'interdiction des ventes à découvert au niveau européen. Une telle restriction des ventes à découvert avait déjà été envisagée en 2010 par l'organe exécutif de l'UE.   "Les négociations ont beaucoup avancé. Nous sommes tout près d'un accord et le commissaire Michel Barnier appelle à un compromis pour qu'un accord soit trouvé en septembre", a indiqué Chantal Hugues porte-parole du commissaire aux services financiers.

Cette proposition consiste à restreindre ces ventes à découvert en exigeant des garanties de la part des investisseurs qui vendent des actions ou obligations d'Etat à découvert "à nu", c'est-à-dire sans même les avoir empruntées au préalable.

Berlin favorable à une interdiction européenne

Berlin s'est aussi déclarée favorable à une interdiction des ventes à découvert en Europe. L'Allemagne a ainsi fait savoir vendredi qu'elle comptait proposer d'étendre cette interdiction des ventes à découvert "à nu" à travers l'Union européenne sur des actions, des obligations d'Etat et des swaps de défaut de crédit (CDS).

Le ministre français des Finances, François Baroin, a, quant à lui, approuvé cette décision. Il a déclaré sur RTL : "Je salue la décision des gendarmes de la Bourse d'hier de mettre entre parenthèses les ventes à découvert". Les investisseurs ne doivent avoir aucun doute sur la détermination du gouvernement à réduire nos déficits et notre dette", a-t-il poursuivi en condamnant les rumeurs qui ont circulé sur les marchés financiers au sujet d'une possible dégradation de la note souveraine française. Peu après, dans un communiqué, François Baroin précise qu'il "suit tout particulièrement le bon fonctionnement des marchés financiers ainsi que l'application en temps réel des mesures permettant de contrer les rumeurs et de poursuivre leurs auteurs".

La Grande-Bretagne, en revanche, a fait savoir, immédiatement après l'annonce du cette interdiction dans quatre pays européen, qu'elle-même n'envisageait pas d'agir de même.

La décision des autorités boursières européennes survient vingt-quatre heures après la forte chute des valeurs financières européennes et le plongeon jeudi de près de 15% du titre Société générale plombée par une série de rumeurs, démenties par la banque, sur sa solidité financière.

Une interdiction régulièrement envisagée

Les ventes à découvert sont accusées d'amplifier les mouvements baissiers sur les marchés et leur interdiction est régulièrement envisagée durant les crises financières. Ces ventes consistent pour un opérateur de marché à emprunter des titres pour les revendre en espérant les racheter ultérieurement moins cher et empocher la plus-value.

L'Esma (European securities and market authorities) a aussi dit qu'elle se montrerait ferme envers les manquements aux règles de bon fonctionnement du marché et encouragera vivement les Etats à empêcher ce type de comportement. "Les ventes à découvert peuvent être des stratégies de trading conformes aux règles mais elles deviennent clairement abusives quand elles sont associées à de larges et fausses rumeurs de marché", souligne le régulateur.

Extrême volatilité

L'Autorité des marchés financiers (AMF) a, dans un communiqué séparé, précisé que l'interdiction des ventes à découvert s'appliquait à une liste de dix valeurs financières françaises. Cette interdiction s'applique à partir de ce jeudi, depuis 22h45, et s'étendra sur une durée de 15 jours. Elle pourra par la suite être prorogée, a précisé l'AMF. L'interdiction concerne Axa, April Group, BNP Paribas, CIC, CNP Assurances, Natixis, Scor, Euler Hermès, Crédit agricole ou encore Société générale. La Fédération Bancaire Française a salué vendredi matin cette décision et précisé que "les banques françaises examinent les autres recours, y compris juridiques, à leur disposition".

D'autres pays européens prennent les mêmes dispositions. Le régulateur boursier belge, qui avait déjà interdit les ventes à découvert à nu, a décidé d'élargir la mesure à toutes les formes de ventes à découvert. Elle porte sur quatre titres financiers, à savoir KBC, Ancora, Dexia et Aegas. Les ventes à découvert sont interdites à la Bourse de Bruxelles à partir du 12 août, et ce pour une durée indéterminée.

Le régulateur des marchés espagnols, la CNVM, a également déclaré que l'interdiction des ventes à découvert sera effective pendant 15 jours à partir d'aujourd'hui et sera prolongée si nécessaire. "Le contexte d'extrême volatilité des marchés d'actions européens, notamment des valeurs financières, affecte clairement la stabilité des marchés et perturbe leur bon fonctionnement", apprend-on dans un communiqué de la CNVM.

Ces mesures ont pour objectif de chercher à rationaliser l'activité des marchés financiers. Les valeurs bancaires européennes ont joué jeudi aux montagnes russes avant de clôturer en net rebond après leur décrochage de la veille, des investisseurs profitant toutefois des décotes qu'offre le secteur pour acheter des titres survendus. Le marché reste toutefois marqué par une extrême nervosité, alimentée par les inquiétudes des investisseurs concernant le refinancement à court terme des banques européennes sur le marché interbancaire.