Un nouveau jeudi noir pour les Bourses mondiales

Par Gaël Vautrin et Laura Fort, mis à jour par latribune.fr  |   |  1029  mots
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Après la publication d'indicateurs économiques américains décevants, les indices européens ont creusé leur perte. Le CAC 40 termine sur une chute de 5,48% à 3.076,04 points. Wall Street baisse également fortement : le Dow Jones a lâché 3,68% et le Nasdaq 5,22%.

C'est peu dire que l'interdiction des ventes à découvert, décidée la semaine dernière par certains pays européens, n'a pas changé la donne jeudi sur les marchés d'actions. Les baisses enregistrées par les indices européens à la clôture parlent d'elles-mêmes. Alors que le Footsie a conclu sur une chute de 4,49 %, le DAX a cédé 5,82 %, l'Ibex a dérapé de 4,70 % tandis que le Stoxx 600 lâchait 4,77 %. De son côté, le CAC 40 n'a pas échappé à la chute avec une baisse de 5,48 %, à 3.076,04 points, en fin de séance. Dans un marché creux ? seulement 3,6 milliards d'euros ont été échangés sur le CAC 40 ?, cette situation a logiquement alimenté une forte volatilité. Signe de cette nervosité ambiante, les cours des obligations d'État américaines et allemandes ont atteint de nouveaux plus-hauts historiques. Évoluant en sens inverse des prix, les taux à 10 ans des obligations allemandes et américaines ont ainsi chuté jusqu'à des records respectifs de 2,03 % et 1,97 % à la faveur des arbitrages des intervenants en faveur des valeurs refuges.

Outre-altantique, les résultats ne sont guère plus brillants : la Bourse de New York a fini en baisse de 3,68% jeudi, le Dow Jones cédant 419,33 points à 10.990,88 points. Le S&P 500 a perdu 53,20 points, soit -4,46%, à 1.140,69 points. Enfin, le Nasdaq est celui qui a le plus été touché, de 131,05 points (-5,22%), à 2.380,43 points (ces données sont susceptibles de varier encore légèrement).

Mauvais chiffres américains

Une fois encore, les investisseurs ont été submergés par la vague d'inquiétude grandissante sur l'état de santé de l'économie américaine et, par ricochet, sur la croissance mondiale. Alors que les marchés avaient regagné un semblant de sérénité en début de semaine, ce nouvel accès de panique a été entretenu par différents facteurs. À commencer par la publication d'une batterie d'indicateurs économiques aux États-Unis, jeudi. Parmi les plus importants, les inscriptions hebdomadaires aux allocations chômage qui ont progressé de 2 % (408.000 demandes) sur la semaine du 7 au 13 août. Par ailleurs, l'indice des conditions d'activité de la Réserve fédérale de Philadelphie est ressorti en très forte baisse en août et a largement déçu les attentes, atteignant un plus-bas depuis mars 2009. Le « Philly Fed » a ainsi plongé à 30,7 points en août après 3,2 points en juillet alors que le consensus des analystes anticipait un léger rebond à 3,7 points. Autant d'éléments qui n'augurent rien de bon pour l'économie américaine.

Croissance en panne

De son côté, Morgan Stanley a annoncé avoir abaissé sa prévision de croissance pour l'économie mondiale en 2011 et 2012. La banque table désormais sur une progression de 3,9 % et 3,8 % du « PIB monde » en 2011 et 2012, contre 4,2 % et 4,5 % initialement anticipés.

Dans l'ensemble, les marchés, habitués jusqu'ici à une croissance plutôt soutenue ? due aux plans de relance mis en oeuvre au lendemain de la crise financière ?, doivent maintenant faire avec la perspective d'un rythme plus faible, faute de liquidités injectées par les États. « Les actifs risqués [Ndlr : les actions] sont peut-être en train de connaître un changement fondamental de cycles, plus courts et de moindre amplitude », commentaient en début de semaine les équipes de JP Morgan dans leur dernière note.

Les banques européennes dans le collimateur de la FED

Les annonces alarmistes de la Fed sur le niveau de liquidité des banques européennes ont ajouté de l'huile sur les charbons déjà ardents des marchés. L'indice sectoriel bancaire du Stoxx 600 dévissait ainsi de 6,88 % ce jeudi. Et Société Générale a de nouveau été le bouc émissaire des marchés. À la clôture, la banque au logo rouge et noir abandonnait 12,34 %, suivie par Crédit Agricole (- 7,12 %) et BNP Paribas (- 6,76 %). Les banques françaises n'ont pas été les seules à plonger. Barclays et HSBC ont terminé dans le rouge, respectivement à - 11,47 % et - 5,98 %. Même scénario à Madrid, où BBVA a perdu 5,76 % et à Milan, où Intesa Sanpaolo et UniCredit ont chuté de 9,26 % et 7,41 %. À Francfort, Commerzbank a reculé de 10,42 % et Deutsche Bank de 7,02 %. Grande perdante de la journée, Dexia a terminé à - 13,02 %.

En cause : la Réserve fédérale de New York qui pointe du doigt les filiales de banques européennes implantées sur le sol américain, rapporte le « Wall Street Journal » (WSJ) jeudi. La Fed craint notamment la contagion de la crise de la dette des pays de la zone euro au système bancaire américain. Doutant de la capacité des établissements européens à se refinancer et à poursuivre leur activité quotidienne, elle souhaite obtenir davantage d'informations sur leur niveau de liquidités. Les dirigeants de la Fed ont donc convoqué à ce sujet les représentants des banques européennes installées aux États-Unis. Selon le « WSJ », le régulateur américain s'inquiète du fait que les banques européennes en difficulté pourraient puiser dans les fonds de leurs filiales américaines et les laisser exsangues.

Le quotidien relate même que certains établissements pourraient avoir à restructurer leurs filiales américaines pour en faire des « organisations autofinancées ». Ce, afin qu'elles soient moins dépendantes des éventuelles difficultés de leur maison mère.

Jusqu'à présent, les banques étrangères n'ont pas eu de problème à se refinancer, en partie grâce au programme d'achat d'obligations de la Fed de 600 milliards de dollars. Sauf que celui-ci est aujourd'hui terminé.

Selon Morgan Stanley, les banques européennes ont satisfait leurs besoins de liquidités à 90 % pour 2011, mais elles devront encore lever 80 milliards d'euros d'ici à la fin de l'année. Par ailleurs, leur niveau de liquidités a fondu ces dernières semaines. Selon les données de la Fed citées dans le « WSJ », les banques étrangères avaient amassé 900 milliards de dollars de réserves mi-juillet. Au 3 août, celles-ci ne se montaient plus qu'à 758 milliards de dollars. Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque centrale européenne, avait en outre annoncé le 4 août une opération exceptionnelle de prêt sur six mois aux banques, en réaction aux « tensions renouvelées sur certains marchés de la zone euro ».