La Bourse vote Hollande. Mais jusqu'à quand ?

Par Pascale Besses-Boumard  |   |  815  mots
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La gauche arrive au pouvoir et la Bourse de Paris a terminé la journée en assez nette hausse (1,65%) ... (avant de replonger mardi 8 mai en raison de l'incertitude politique en Grèce). Les investisseurs attendent le nouveau président sur sa capacité à tenir ses engagements sur la croissance et à gérer le dialogue avec Angela Merkel.

La gauche est bel et bien au pouvoir. Mais la Bourse de Paris ne semble pas s'en être aperçu. Ou alors n'y voit-elle pas un signe particulièrement alarmant si l'on en juge par la hausse de 1,65% enregistrée ce lundi par l'indice phare parisien. Un sacré pied de nez à tous ceux qui anticipaient un bain de sang sur les marchés financiers au lendemain de l'élection du candidat socialiste. Et ce, en référence à ce qui s'était effectivement passé lors de l'élection de François Mitterrand en 1981. Certes, certaines personnalités disposant de hauts revenus ont fait part de leur intention de quitter le pays pour aborder des terres fiscales plus amènes. Mais le retour de la gauche au pouvoir n'a pas vraiment surpris les investisseurs dimanche soir. Cela fait plusieurs semaines que les sondages donnent effectivement François Hollande gagnant face à Nicolas Sarkozy. Laissant aux boursiers tout le loisir d'arbitrer leurs portefeuilles au gré des annonces de campagne.

Il ne faut d'ailleurs pas oublier que depuis la mi mars, le CAC 40 a cédé près de 15%. « Le secteur financier, le "véritable adversaire" de Monsieur Hollande, va maintenant regarder avec grand intérêt les premières décisions le concernant. Selon les 60 propositions présentées lors de la campagne, sont prévues: la scission des activités de banque de détail et d'investissement ainsi que l'augmentation de l'imposition des bénéfices de 15%. Ces deux mesures viendraient amputer de manière significative l'organisation de nos banques ainsi que leur compétitivité », estime Pierre-Antoine Dusoulier, président de Saxo Banque. Le ton est donné. Pour autant, la hausse du CAC 40 du jour ressemble avant tout à un signal fort à destination du nouveau président et de la future majorité à l'Assemblée Nationale. Un signal de pragmatisme, les investisseurs étant manifestement d'accord pour "accorder aujourd'hui sa chance" à la nouvelle équipe, quitte à la sanctionner tout aussi rapidement s'ils jugent que les mesures réellement prises sont de nature à détériorer soit le tissu économique national, soit la capacité bénéficiaire des entreprises.

Une série de mesures économiques d'ores et déjà prévues

Dès les cent premiers jours de son mandat, François Hollande a promis de mettre en ?uvre une série de mesures économiques. Parmi celles-ci : le blocage des prix du carburant pendant trois mois ; le doublement du plafond du livret A pour le porter à 30.000 euros, sa rémunération devant rester supérieure à l'inflation ; la fixation d'un écart maximal de rémunération de 1 à 20 au sein des entreprises publiques, un dirigeant de ces sociétés ne pouvant pas gagner plus de 20 fois le smic, soit 336.000 euros par an ; l'établissement d'un « pacte de responsabilité de croissance et de gouvernance » à destination des chefs d'Etat européens, ce pacte devant normalement prévoir une taxe sur les transactions financières ou l'émission d'euro-obligations pour mutualiser les dettes nationales ; la suppression de la TVA sociale qui vient d'être relevée de 19,6 à 21,2%. Elle doit s'appliquer à compter du 1er octobre mais le nouveau président a promis son abrogation ; la séparation, donc, des activités banque de détail de celles d'investissement au sein des établissements bancaires et enfin la création d'un « contrat de génération » qui permettrait une exonération de charges aux entreprises embauchant un senior et/ou un jeune.

Quel dialogue avec la chancelière Allemande ?

« Les marchés n'ont pas de parti -politique- pris, ils votent pour la hausse du PIB. Malheureusement, la campagne, focalisée sur des thématiques franco-françaises, nous a trop peu donné l'occasion d'aborder avec précision les vrais sujets économiques. Quid de l'entente franco-allemande, du pacte de croissance, de la situation explosive en Grèce? L'influence des événements internationaux n'a jamais été aussi grande sur notre économie, notre Président ne pourra pas échapper à cette réalité. Saura-t-il tenir toutes ses promesses? La croissance sur laquelle s'appuie son programme sera-t-elle au rendez-vous? Lors de son premier discours présidentiel, dimanche 6 mai au soir à Tulle, il a annoncé qu'il souhaitait être jugé sur deux axes: la justice et la jeunesse. Les marchés le jugeront sur la croissance et la gestion budgétaire », souligne le patron de Saxo Banque.
Les premières interventions officielles de François Hollande seront donc particulièrement suivies, les intervenants voulant s'assurer que les promesses faites depuis plusieurs mois auront une chance de devenir réalité. Et il est sûr que le dialogue entre le Français et la chancelière Allemande Angela Merkel sera plus spécialement scruté, tant la problématique de la zone euro est sans doute l'épine qui risque de faire le plus mal. Mais avec un gain de près de 2% en ce lundi 7 mai, les Cassandre sont bien obligées de ravaler leur salive. Jusqu'à quand ?