Brexit, dette... Les marchés en tension craignent une récession en Europe

Par AFP  |   |  714  mots
(Crédits : Kai Pfaffenbach)
Le marché de la dette en zone euro s’est un peu tendu mercredi, les investisseurs s'inquiétant que les faiblesses économiques visibles dans les derniers indicateurs américains ne soient pas compensées par une action supplémentaire de la BCE.

"Le marché digère encore la contraction de l'activité manufacturière aux États-Unis" publiée hier, a noté auprès de l'AFP Eric Vanraes, gérant obligataire de la banque suisse Eric Sturdza.

"L'activité manufacturière représentant moins de 15% du PIB américain, l'impact de ces données est à relativiser, mais c'est surtout une propagation aux services que les marchés redoutent. En outre les chiffres d'hier ont montré une fragilité de l'emploi", a complété l'expert.

"Or le ralentissement des créations d'emplois dans le privé aujourd'hui est venu conforter les doutes", a-t-il ajouté, tout comme la révision à la baisse des perspectives de croissance de l'Allemagne en 2019 et 2020.

L'activité du secteur manufacturier aux États-Unis a encore reculé en septembre pour tomber à son plus bas niveau en 10 ans, mardi, tandis que le secteur privé aux États-Unis a créé 135.000 emplois en septembre moins que le mois précédent et les attentes des analystes, selon l'enquête mensuelle d'ADP, publiée mercredi.

Les principaux instituts économiques allemands ont en outre annoncé un abaissement leurs prévisions de croissance de l'économie allemande pour 2019 et plus nettement pour 2020.

Divergence entre l'Europe et les États-Unis

Ce contexte d'inquiétudes marquées pour l'économie s'est traduit différemment en Europe et aux États-Unis.

"Le marché obligataire américain s'est détendu", jouant son rôle traditionnel de refuge en cas d'inquiétude, a souligné M. Vanraes.

Mais, en Europe, a-t-il poursuivi, "les taux d'emprunt n'ont pas suivi cette logique" et la raison est à chercher du côté de la BCE.

Hier soir, le président de la Banque centrale européenne "Mario Draghi a de nouveau affirmé que la balle était désormais dans le camp des gouvernements et d'une relance budgétaire à grande échelle, sous-entendant que l'institution ne ferait pas plus que ce qu'elle a déjà annoncé", selon le spécialiste.

"La macroéconomie est mal orientée, mais les investisseurs se disent qu'il ne faut pas pour autant attendre un secours supplémentaire de la BCE, et cela pèse du coup sur le marché", a-t-il analysé.

À 18h, le taux d'emprunt à 10 ans de l'Allemagne (Bund) a progressé à -0,550% contre -0,568% mardi à la clôture du marché secondaire, où s'échange la dette déjà émise.

Celui de la France a suivi le même mouvement à -0,251% contre -0,269%, à l'instar de celui de l'Espagne à 0,163% contre 0,145% et de celui de l'Italie à 0,897% contre 0,853%. Au Royaume-Uni, le taux d'emprunt à 10 ans est également monté à 0,500% contre 0,467%. Aux États-Unis, le taux à dix ans se détendait à 1,594% contre 1,635%, tout comme celui à 30 ans, à 2,072% contre 2,093%. Le taux à deux ans s'affichait pour sa part à 1,480% contre 1,546%.

 Londres chute lourdement

La Bourse de Londres a terminé sur une lourde chute de 3,23% mercredi, emportée par les craintes sur la vigueur de la croissance mondiale et les incertitudes autour du Brexit.

À la clôture, l'indice FTSE-100 a perdu 237,78 points, à 7.122,54 points.

"Les marchés ont vraiment perdu leurs esprits mercredi après-midi", résume Connor Campbell, analyste chez Spreadex.

L'indice vedette de la Bourse de Londres n'avait pas connu une dégringolade d'une telle ampleur depuis janvier 2016.

Le marché britannique a ouvert en baisse et n'a cessé de s'enfoncer tout au long de la séance, ébranlé depuis la veille par un indicateur américain ravivant les craintes pour la croissance mondiale. Il a notamment accusé le coup après la décision de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) d'autoriser Washington à imposer des taxes sur près de 7,5 milliards de dollars de biens européens, en représailles à des aides accordées à Airbus.

"Les craintes sur une guerre commerciale entre l'UE et les États-Unis n'ont fait qu'alimenter les inquiétudes plus profondes sur la santé de l'économie mondiale", explique à l'AFP Neil Wilson, analyste chez Markets.com.

Les investisseurs britanniques sont restés par ailleurs déprimés par les développements autour du Brexit après de nouvelles propositions émises par le Premier ministre, Boris Johnson, pour trouver un accord avec l'UE, qui n'éloignent pas pour l'heure les risques d'une sortie de l'UE sans accord.

"Il reste du chemin à faire avant que la proposition de Boris Johnson ne convainque tout le monde" et, en attendant, "la perspective d'un Brexit sans accord pèse sur les valeurs financières", note David Madden, analyste chez CMC Markets.